Coupe Meiji

Épreuve de force à l'horizon de la Coupe Meij

By Ken Marantz

TOKYO, Japon (le 13 juin) - Ni le niveau, ni les enjeux, ne peuvent être plus élevés lorsqu'une championne olympique, une championne du monde et la lutteuse qui leur a fait courber l'échine à toutes les deux s'affrontent pour la domination d'une même catégorie de poids : rendez-vous est pris à la Coupe Meiji, le championnat du Japon sur invitation.

La dernière fois qu’Eri TOSAKA, médaillée d’or de Rio 2016, et la championne du monde de Paris 2017 Yui SUSAKI était supposées s’affronter enfin en lutte féminine 50 kg, Yuki IRIE les avait toutes deux coiffées au poteau.

C’était au championnat du Japon – à la Coupe de l’Empereur – en décembre. Tosaka, remise d’une blessure au pied qui l’avait éloignée des tapis depuis Rio, avait déclaré forfait pour la demi-finale, alors qu’Irie se défaisait de Susaki dans la seconde demi-finale avant de mettre un frein aux ambitions de la championne du monde des U23 Miho IGARASHI, remportant la finale 6-5.

Laquelle des trois décrochera le titre reste l’une des grandes inconnues de ce tournoi de quatre jours, qui débute jeudi à la salle Komazawa, dans l’ouest de Tokyo.

La Coupe Meiji, avec ses athlètes choisis pour chaque catégorie, sert également d’épreuve qualificative finale pour l’équipe du Japon des championnats du monde de Budapest cette année. Des victoires à la Coupe de l’Empereur et à la Coupe Meiji se traduiront automatiquement par une place dans l’équipe ; pour les catégories de poids dont les champions sont différents, les éliminatoires auront lieu le 7 juillet.

Yuki IRIE (JPN) célèbre sa victoire 10-0 Yanan SUN (CHN), médaillée de bronze olympique. (Photo par Max Rose-Fyne) 

Irie a remporté le Grand Prix Ivan Yarygin en Russie en janvier dernier, terminé troisième du championnat d'Asie de Bishkek en mars, puis gagné ses trois matches à la Coupe du Monde de lutte féminine de Takasaki, dont une victoire sur la médaillée de bronze olympique SUN Yanan (CHN).

Susaki a décroché le titre de l'Open Lady Klippan en février grâce à une victoire en finale sur la médaillée d'argent de Rio 2016 Mariya STADNIK (AZE), alors que Tosaka n'a pas combattu depuis la Coupe de l'Empereur.

Le champion d'Asie 2018 Shinobu OTA (JPN). (Photo par Max Rose-Fyne)

Bien qu’une rivalité semble être en devenir dans la catégorie des 60kg, l’un des combats les plus féroces de ces dernières années au Japon n’aura pas lieu.

Le champion du monde de Paris 2017 Kenichiro FUMITA s’est retiré, blessé au genou, interrompant sa longue querelle gréco-romaine avec le médaillé d’argent de Rio 2016 Shinobu OTA.

Ota avait remporté leur dernière rencontre à la Coupe de l’Empereur par un mince 5-4, avant de remporter l’or d’Asie à Bishkek. Même si Fumita est hors course, Ota n’est pas encore sorti d’affaire face à Masuto KAWANA, champion du monde 2017 des U23 en 59kg et absent de la Coupe de l’Empereur pour cause de blessure.

A noter, cette fois dans une autre catégorie de poids, que le champion du monde de Paris 2017 Yuki TAKAHASHI aura pour objectif d’assurer son billet pour Budapest en enchaînant sur sa victoire en lutte libre des 57kg, obtenue lors de la Coupe de l’Empereur, grâce à peut-être son second titre consécutif à la Coupe Meiji et quatrième en tout.

Takahashi revient couronné de succès de la Coupe du Monde d’avril dernier, où il a remporté ses quatre combats, dont un remake de sa finale de Paris face à Thomas GILMAN (USA).

Daichi TAKATANI, les mains levées lors d'une victoire pendant la coupe du monde 2018. (Photo par Tony Rotundo) 

En 65kg, Daichi TAKATANI, médaillé d’argent de Bishkek 2018 et, pour la première fois, champion de la Coupe de l’Empereur en décembre, se lancera à l’assaut de son premier sacre à la Meiji depuis cinq ans pour obtenir une place à Budapest.

Rei HIGUCHI, médaillé d’argent à Rio 2016 en 57kg, a été depuis lors à la peine dans sa tentative pour monter de deux catégories de poids, et espère une place aux éliminatoires pour remonter sur la scène mondiale.

Dans la mêlée se retrouveront aussi Rinya NAKAMURA, champion du monde des U23 en 2017 et vainqueur l’année passée de la Coupe Meiji en 61kg ; Masakazu KAMOI, médaillé de bronze d’Asie en 2017 et vainqueur l’année passée en 65kg ; et l’universitaire Kei YONEZAWA, deuxième face à Takatani à la Coupe de l’Empereur.

La catégorie des 92g verra le retour à la lutte libre d’Atsushi MATSUMOTO, passé en lutte gréco-romaine en 2017 après son échec dans les sélections des Jeux Olympiques de Rio. Selon le site de la Fédération Japonaise de Lutte, Matsumoto a peiné à s’adapter aux nouvelles règles de lutte gréco-romaine.

Matsumoto, dont le frère aîné Ryutaro avait décroché une médaille de bronze aux Jeux de Londres en 2012, avait pour sa part emporté quatre titres d’affilée à la Meiji en lutte libre des 84-86kg, de 2013 à 2016. Nul doute que le champion de la Coupe de l’Empereur Takashi ISHIGURO l’attend de pied ferme.


Rio WATARI fera un émouvant retour, après avoir été diagnostiquée avec un lymphome malin. (Photo by Martin Gabor)

La compétition verra le retour émouvant de Rio WATARI dans la catégories des 68kg, de laquelle est absente pour blessure la championne olympique Sara DOSHO.

Watari a fait les gros titres au Japon lorsque, dans son ardente volonté d'apparaître aux Jeux Olympiques, elle est montée de deux catégories de poids jusqu'en 75kg, parvenant à vaincre des adversaires plus imposantes et atteindre l'équipe du Japon.

Mais la joie fut de courte durée. Juste après les Jeux, diagnostiquée avec un lymphome malin, elle a dû cesser le sport pour soigner sa maladie. Lorsqu'elle remontera sur le tapis samedi. au troisième jour de la compétition, ce sera son premier combat depuis Rio.

La championne olympique 2016 Risako KAQAI (JPN). (Photo par Max Rose-Fyne) 

Dans un piquant revirement, les sœurs Risako et Yukako KAWAI ont toutes deux changé de catégories de poids depuis la Coupe de l'Empereur.

Risako, championne Olympique à Rio en 63kg et vainqueur des 60kg à Paris en 2017, est aujourd’hui en 59kg, tandis que Yukako est montée en 62kg. Leurs victoires en décembre, chacune dans la catégorie de l’autre, ont fait d’elles les premières sœurs à remporter ensemble des titres nationaux depuis Chiharu et Kaori ICHO en 2007.

Toujours dans la rubrique des changements de catégories, Haruna OKUNO, championne à Paris en 2017 des 55kg, continuera sur son élan pour retourner au championnat du monde en 53kg, catégorie dans laquelle elle avait remporté la Coupe de l’Empereur.

Inversemment, Mayu MUKAIDA, défaite dans la dernière seconde de la finale des 53kg à Paris en 2017, a rejoint les 55kg – la catégorie dans laquelle elle avait remporté l’or des mondiaux en 2016.

Elle peut s’attendre à une rude concurrence de la part de Saki IGARASHI, finaliste malchanceuse face à Mukaida lors de la Coupe de l’Empereur et médaillée d’or à Bishkek cette année.

Formée au Japon et aux États-Unis, Yoneoka espère entraîner la Norvège vers le succès mondial

By Ken Marantz

TOKYO, Japon (20 juillet) -- Yurie YONEOKA a pris sa part de coups tout au long de sa carrière de lutte, mais elle semble toujours retomber sur ses pieds. Cette fois, elle s'est retrouvée sur un deuxième continent différent.

Yurie Yoneoka, une Japonaise qui a participé à des compétitions universitaires aux États-Unis avant d'y devenir entraîneur, a été engagée comme entraîneur principal de l'équipe nationale féminine de Norvège, qui espère que le succès de son pays d'origine pourra déteindre sur elle après des décennies de maigres résultats.

La Norvège, qui figurait parmi les meilleures nations de lutte féminine au début des années 1990, n'a pas produit de championne du monde depuis que Gudren HOELE a remporté la dernière de ses cinq médailles d'or mondiales en 1998 dans la catégorie des 56 kg, et sa dernière médaille mondiale, quelle qu'elle soit, est une bronze obtenue en 2005 par Lene AANES dans la catégorie des 59 kg.

Yurie Yoneoka, 29 ans, a été engagée pour un contrat initial de deux ans, mais avec pour objectif de produire des résultats aux Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. C'est une tâche difficile en soi, car la Norvège n'a eu qu'une seule femme qualifiée en lutte pour les Jeux olympiques dans son histoire, lorsque Signe Marie STORE s'est qualifiée dans la catégorie des 69 kg aux Jeux de Rio en 2016, mais a terminé 18ème.

YoneokaYurie YONEOKA s'entretient avec la presse lors d'un récent voyage de retour au Japon. (Photo: Japan Wrestling Federation)

“Nous avons un objectif de six ans qui est Los Angeles [2028]", a déclaré Yurie Yoneoka lors d'une interview à Tokyo au début du mois, alors qu'elle était revenue pour assister à un mariage. "Mais nous devons faire des pas de bébé. La première chose à faire est donc de remporter une médaille aux Championnats d'Europe chez les seniors et chez les juniors [U20].

“Nous espérons obtenir une médaille aux championnats du monde. C'est la façon la plus proche d'aller aux Jeux olympiques", a-t-elle déclaré, en faisant référence aux places de qualification directe pour les Jeux olympiques disponibles lors des Championnats du monde.

Yurie Yoneoka, qui souhaite à terme obtenir un poste de direction à United World Wrestling afin de faire progresser le statut des femmes et du Japon, a découvert l'ouverture du poste en Norvège grâce à une annonce sur le site web d'UWW. Elle a immédiatement postulé et, après un long processus d'entretien, a été engagée en juin.

"À l'époque, j'étais entraîneur à l'université aux États-Unis et je cherchais à franchir une étape pour un poste d'entraîneur de plus haut niveau", dit-elle. "Mon objectif [ultime] dans la vie est de travailler pour United World Wrestling. Je me suis donc demandé quelles étaient les bonnes étapes pour atteindre mon objectif, et j'ai pensé qu'un poste d'entraîneur de haut niveau serait une très bonne opportunité.”

YoneokaYurie YONEOKA s'adresse aux membres de l'équipe nationale norvégienne pour la première fois lors d'une brève visite le mois dernier. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

La Norvège a une star senior en la personne de Grace BULLEN, double championne d'Europe, mais elle n'a pas encore répondu aux attentes en termes de médailles mondiales et de qualification olympique. Yurie Yoneoka a déclaré qu'elle se concentrerait davantage sur le développement de la prochaine génération de lutteurs.

“La fédération m'a demandé de me concentrer sur les U20, a-t-elle déclaré. "Mais je vais faire beaucoup de camps pour rassembler les filles et créer des liens entre elles, quel que soit leur âge. Pour les U17 et U15, je continuerai probablement à entraîner et à me rendre à la compétition si je suis disponible, mais pas super-focalisée, plutôt un soutien.”

Yurie Yoneoka cherche à centraliser les opérations de l'équipe nationale à Oslo et a déjà organisé un camp d'entraînement pour septembre. Elle n'a rencontré que brièvement les membres de l'équipe et attend toujours un visa de travail et un logement.

Ayant été exposée à ce sport à la fois au Japon et aux États-Unis, Yurie Yoneoka pense qu'elle apporte une large perspective à la Norvège et peut permettre aux membres de l'équipe de trouver le style qui leur convient le mieux.

"Tout en tirant le meilleur parti du style propre à chaque individu, je crois qu'il est vital d'ajouter à ce qu'ils font bien, plutôt que de changer complètement leur lutte", a déclaré Yurie Yoneoka dans une interview antérieure sur le site de la JWF. "Six ans vont passer avant que vous ne le sachiez. S'il y a le moindre sentiment d'hésitation, le but s'éloignera."

En ce qui concerne les différences, "le style japonais est très axé sur les bases, et elles ont une technique élevée. Très bon conditionnement", déclare Yurie Yoneoka. “Le style américain est très puissant, avec de grands mouvements dynamiques. Ils aiment montrer des choses. Et ils ont un manque de conditionnement. Bien sûr, ils n'ont pas fait beaucoup de style libre, donc c'est probablement un point. Le style européen est très mélangé, et je dirais qu'il est très équilibré entre le style japonais et le style américain.”

YoneokaYurie YONEOKA, au centre à droite, pose avec ses coéquipières de l'Université de Providence après s'être classée sixième aux championnats nationaux collégiaux des États-Unis 2019. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

Venir en Amérique

Bien que Yurie Yoneoka n'ait jamais participé à un championnat du monde ou d'Asie à quelque niveau que ce soit, elle était une lutteuse de lycée meilleure que la moyenne, se classant troisième aux championnats nationaux de lycée à une époque qui allait produire plusieurs futurs champions olympiques.

Mais une désillusion ultérieure concernant son programme universitaire au Japon a déclenché un voyage qui l'a amenée dans l'une des régions les plus rurales et les plus éloignées des sentiers battus d'Amérique.

Comme pour le poste en Norvège, l'intérêt de Yurie Yoneoka pour un saut de l'autre côté du Pacifique a été suscité par une annonce en ligne, celle-ci sur le site de la Japan Wrestling Federation en 2013. Il y avait un appel pour les lutteurs japonais intéressés par la compétition universitaire aux États-Unis.

À l'origine du projet se trouve Tadaaki HATTA, ancien champion NCAA et entraîneur de l'équipe nationale américaine, qui a longtemps servi de lien entre les deux pays.

Dans le passé, quelques Japonais comme Hatta sont allés dans des universités américaines, notamment Yojiro UETAKE, qui est resté invaincu à Oklahoma State dans les années 1960 et est devenu deux fois champion olympique, et Sanshiro ABE, qui a remporté un titre NCAA à Penn State en 1996 et a participé aux Jeux olympiques d'Atlanta cette année-là. Mais Yurie Yoneoka reste toujours la seule femme à avoir franchi le pas. Et le chemin n'a pas été facile. Yurie Yoneoka a d'abord dû passer le test d'anglais comme langue étrangère (TOEFL), un obstacle redoutable étant donné que "[l'anglais] était la matière pour laquelle j'ai toujours eu les plus mauvaises notes à l'école. J'étais toujours la dernière de la classe. J'ai donc littéralement commencé par le niveau 'Ceci est un stylo'."

Quelle persévérance! Yurie Yoneoka a échoué le test 14 fois - 14 fois ! -- sur une période de quatre ans, avant d'obtenir la note de passage. Pendant cette période, elle a travaillé à temps partiel comme réceptionniste dans un magasin de nettoyage à sec et comme membre du personnel chez Costco.

Yoneoka avait été recrutée pour intégrer l'université de Jamestown, dans le Dakota du Nord, et l'école a patiemment attendu qu'elle passe le test TOEFL. "Nous sommes restés en contact et [l'école] m'a toujours soutenue dans ce que je faisais", a-t-elle déclaré.

Malheureusement, après son arrivée à Jamestown, elle n'a pas pu participer aux compétitions dès sa première année pour des raisons qu'elle ne comprend toujours pas. L'année suivante, l'entraîneur Tony DEAND a pris un nouveau poste à l'Université de Providence à Great Falls, Montana, et a emmené Yurie Yoneoka avec lui. Et une fois de plus, elle a été déclarée inéligible à la compétition pour une saison. Lorsque Deand est parti après une seule saison, Yurie Yoneoka est restée à Providence.

Si le fait de partir étudier à l'étranger lui a offert plus de liberté qu'au Japon, Yurie Yoneoka était trop occupée en tant qu'étudiante-athlète pour s'impliquer dans la vie sociale. "Je ne faisais pas beaucoup la fête", dit-elle. "Je devais aussi gagner de l'argent, car je n'ai pas reçu de bourse complète. Je devais travailler sur le campus, au Starbucks, pour seulement deux ou trois services [par semaine]."

Elle décrit sa routine comme suit : "entraînement le matin, aller en cours, travailler et s'entraîner. C'était tout."

Finalement, son année junior a été la seule au cours de laquelle elle a réalisé une saison de compétition complète. Elle a remporté des titres à l'Open de Spokane et à la Battle of the Rockies, puis a terminé sixième au championnat 2019 de la Women's Collegiate Wrestling Association à 116 livres (52,6 kg). Elle était classée troisième de la nation en 109 livres (49,5 kg) lors de sa dernière année, mais les championnats de 2020 ont été annulés à cause de la pandémie.

Après avoir obtenu un diplôme en sociologie, elle a été engagée comme entraîneur adjoint à Providence, devenant ainsi la toute première Japonaise à entraîner au niveau universitaire aux États-Unis.

Elle dit qu'il a été difficile de quitter Providence et l'équipe pour prendre le poste avec l'équipe norvégienne, mais dit que la réponse a été positive. "C'était assez difficile, surtout pour les filles avec qui j'avais construit une très bonne relation", dit-elle. "Elles étaient très tristes, mais elles étaient heureuses pour moi que j'obtienne le poste."

YoneokaYurie YONEOKA, deuxième en partant de la droite, se tient sur le podium après s'être classée troisième à la Junior Queens Cup 2010. À sa droite, la championne Risako KAWAI, désormais double médaillée d'or olympique. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

Un pot-de-vin sucré lance une carrière

L'entrée de Yurie Yoneoka dans le monde de la lutte a été essentiellement le résultat d'un pot-de-vin. Le coupable : son père. L'appât : le chocolat.

Née à Tokyo, la famille de Yurie Yoneoka a déménagé à Kashiwa, dans la préfecture de Chiba, alors qu'elle était encore enfant. Son père, qui était un joueur de handball amateur dévoué, cherchait un sport pour sa fille de quatre ans lorsqu'il a vu une affiche au centre sportif municipal local. Il s'agissait d'une affiche pour un club local de lutte pour enfants.

“Il m'a dit : "Ça y est", se souvient Yurie Yoneoka. "Mais j'étais une fille très, très timide et il m'a dit : 'Tu veux y aller parce que je vais t'acheter du chocolat'. Et j'adore le chocolat. Le chocolat est donc la seule raison pour laquelle je me suis lancée dans la lutte.”

Elle se souvient encore de son premier jour dans ce sport. "C'était un entraînement très dur. [Mon père] m'a lancée dans l'entraînement, et j'ai dû faire tout l'entraînement le premier jour. J'ai presque pleuré."

Mais avec un mélange de détermination et d'entêtement qui lui permettra de traverser des moments difficiles plus tard dans sa vie, Yurie Yoneoka s'est accrochée et a montré son potentiel. Elle a développé une passion pour ce sport et a continué jusqu'à ce qu'elle soit obligée d'arrêter brièvement à cause de l'un des principaux problèmes sociaux du Japon, l'intimidation, dont elle a été victime au collège.

"J'ai été très malmenée et je n'ai pas pu aller à l'école pendant un certain temps", dit-elle. "J'ai donc dû arrêter la lutte aussi parce que l'équipe de lutte s'entraînait dans ce collège. Quelques mois plus tard, j'ai simplement changé d'école."

Déterminée à reprendre le sport, elle a passé les examens d'entrée du lycée Saitama Sakae dans la préfecture voisine de Saitama. Il s'agit de l'une des meilleures écoles de lutte de la région du Kanto, qui comprend Tokyo et les préfectures environnantes, mais aussi d'une école à vocation académique.

"Je voulais être la meilleure lutteuse possible, et mon rêve était aussi d'aller aux Jeux olympiques", dit Yurie Yoneoka. "Je me suis demandée où je pourrais aller pour atteindre cet objectif. Il n'y avait que quelques écoles sélectives dans la région de Kanto, car la lutte [féminine] était encore en développement.

"Sakae était une très bonne école qui avait aussi un très bon programme académique. Mes parents voulaient seulement que je fasse de mon mieux pour les études et le sport. [Ils ont dit]  si tu suis le programme d'études avancées, tu pourra continuer à lutter. J'ai étudié et je suis entrée dans l'école."

Outre le programme d'études, aller à Sakae signifiait endurer une autre épreuve : un trajet en train de deux heures depuis son domicile à Kashiwa. "Ces trois années ont probablement été l'une des périodes les plus difficiles de ma vie", dit-elle. "Les entraînements commençaient à 7 heures le matin, je devais donc me réveiller avant 5 heures et sauter dans le train pendant deux heures."

YoneokaYurie YONEOKA pose avec les membres de l'équipe U15 de Norvège. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

En 2010, Yurie Yoneoka s'est classée troisième dans la division U17 de la Junior Queens Cup en 49 kg, une catégorie de poids remportée par la future double championne olympique Risako KAWAI. L'année suivante, elle a remporté une médaille de bronze aux Championnats nationaux des lycées dans cette catégorie de poids, qui a été remportée par Nanami IRIE, une future médaillée d'argent aux championnats du monde.

Pour vous donner une idée de la compétitivité des championnats nationaux des lycées de 2011, les championnes de trois autres catégories de poids sont devenues championnes olympiques : Kawai, Eri TOSAKA et Sara DOSHO. Yurie Yoneoka a rencontré Tosaka lors d'un camp de lutte à l'école secondaire et elles sont restées amies jusqu'à ce jour.

"C'était vraiment difficile", a déclaré Yurie Yoneoka à propos de la compétition. "J'étais en fait très peu sûre de moi en ce qui concerne la lutte. Cela m'a donné la force de persévérer, de m'améliorer chaque jour. Mais je n'étais pas sûre de pouvoir y arriver."

Alors que les Trois Grandes ont fini par rejoindre l'université Shigakkan, Yurie Yoneoka a été poussée par son entraîneur à rester dans la région de Kanto et à rejoindre l'université Toyo. Elle ne s'est jamais vraiment intégrée au programme et, après trois années médiocres, elle a abandonné en dernière année lorsque l'opportunité d'aller aux États-Unis s'est présentée.

"La communauté de la lutte est assez soudée, et mon entraîneur au lycée m'a poussée à aller à l'université de Toyo", dit-elle. "J'ai aimé cette université en tant que telle, mais la situation de l'équipe n'était pas ce que j'avais imaginé ou ce que je souhaitais. Ce n'était pas la meilleure situation pour moi en tant qu'athlète.

"Je ne regrettais pas d'avoir quitté l'équipe, mais j'avais le sentiment que je ne devais pas quitter la lutte elle-même. Je me sentais dévasté à propos de la lutte. Je me demandais ce que je devais faire de ma vie. Tout ce que j'avais fait dans ma vie, c'était de la lutte. Au très, très bon moment, j'ai vu la publicité de Tadaaki Hatta."

Après avoir vu leur fille passer les six dernières années environ aux États-Unis, que pensent ses parents du fait que son parcours professionnel l'amène maintenant en Norvège?

"Mes parents ont tout d'abord été surpris", dit-elle. "Mais ils savent que même s'ils disent quelque chose, je ferai toujours ce que je veux. Pour mes parents, c'était comme : "d'accord, vas-y.'

"Mes amis m'ont dit : "La Norvège ? Je croyais que tu vivrais aux États-Unis pour toujours.'"

Yurie Yoneoka attend avec impatience la première fois où une de ses lutteuses norvégiennes affrontera une adversaire japonaise sur le tapis.

"J'ai l'impression que je serai fière de la Norvégienne de concourir contre une Japonaise, car évidemment, les lutteuses japonaises sont les meilleures", dit-elle. "Mais je pense que ce sera bon pour moi d'apprendre certaines choses aussi, et j'ai tellement de respect pour la fédération de lutte et les lutteuses japonaises. Ce sera un peu nostalgique, mais ce sera un bon sentiment."

Dans l'ensemble, il s'agit également de faire accepter les femmes dans ce sport.

"Aux États-Unis, il y a encore des problèmes de manque de respect de la lutte féminine par les lutteurs masculins ou même simplement par les hommes", dit-elle. C'est un gros problème et j'ai l'impression que les filles doivent encore se défendre, ce qui est assez triste.

"En Norvège, il y a un grand système d'égalité, comme les hommes et les femmes doivent être égaux. Je pense que c'est une bonne chose, mais dans le milieu de la lutte, c'est un combat difficile. Bien sûr, je me défendrai pour moi et pour mes filles, ainsi que pour mon avenir en tant que femme. C'est l'un de mes objectifs."