Japan Wrestling

L'équipe japonaise de lutte libre réunie pour son premier camp national depuis six mois

By Ken Marantz

TOKYO -- A l'exception d'une courte période pendant laquelle son université était complètement fermée, l'ancien champion du monde Takuto OTOGURO a pu conserver son habituelle routine d'entraînement durant la pandémie.

Cependant, pouvoir enfin s'entraîner avec ses coéquipiers de l'équipe nationale japonaise le ramène à son plus haut niveau, attise les braises et l'espoir que le jour n'est pas si loin où le monde de la lutte remontera sur les tapis.

"Etre réuni ici avec l'équipe nationale me rend heureux à nouveau," dit Otoguro. "Je me sens motivé pour les Jeux Olympiques."

L'équipe nationale japonaise de lutte libre a commencé son premier camp d'entraînement en six mois le 1er octobre, au Centre national d'entraînement Ajinomoto, où 17 des meilleurs athlètes du pays se sont retrouvés pour 8 jours et sous de stricts protocoles sanitaires.

Les deux meilleurs lutteurs de chaque catégorie du championnat national de l'année passée étaient en principe invités -- quelques-uns étaient excusés pour cause d'engagements universitaires ou professionnels  -- , car le Japon a commencé sa préparation pour le championnat du monde provisoirement prévu pour le mois de décembre, le championnat d'Asie pour février et le tournoi de qualification olympique d'Asie pour mars. Savoir si ces compétitions pourront se dérouler reste du domaine de la spéculation.

Il était prévu que les lutteurs, qui s'étaient réunis pour la dernière fois en mars dernier, aient un autre camp d'entraînement vers la mi-juillet, à la suite des équipes de lutte féminine et gréco-romaine. Bien que les camps de celles-ci se soient déroulés comme prévu, la lutte libre fut laissée à elle-même lorsqu'une soudaine augmentation des cas de coronavirus à Tokyo provoqua l'annulation du camp par la Fédération japonaise.

Takuto OTOGURO aux prises avec le médaillé olympique et entraîneur de l'équipe nationale Shinichi YUMOTO (Photo par Sachiko Hotaka/JWF).

"Tellement de fois nous avons établi un programme et dû l'annuler," commente le coach principal de lutte libre Kenji INOUE. "Dans ces conditions, il n'y avait rien à faire."

Etablir le programme d'un camp national d'entraînement n'est pas chose simple. Les lutteurs sont éparpillés dans tout le pays et doivent être libérés par leur université ou l'équipe de leur club. La Fédération doit également obtenir le feu vert de la commission médicale.

"Même si nous [la fédération] voulons maintenir le programme, nous ne pouvons pas le faire sans le soutien ni la coopération de nombreuses autres personnes," dit Inoue. "Puis quand il nous faut annuler après toute la préparation, tout ce que nous pouvons faire est nous excuser. Cette fois, tout en étant reconnaissant de leur coopération, nous pouvons les récompenser en tenant un camp sans incident."

Rei HIGUCHI se mesure au médaillé d'or olympique et entraîneur de l'équipe nationale Tatsuhiro YONEMITSU (Photo par Sachiko Hotaka/JWF)

Suivre des  protocoles stricts

Comme pour les camps du mois de juillet, les lutteurs doivent respecter des règles strictes quant à leurs mouvements dans la 'bulle' du Centre national d'entraînement. Leur nombre est limité dans la salle de pesée par exemple. Dans le réfectoire, ils doivent s'asseoir en diagonale et non pas l'un en face de l'autre. Les contacts avec le monde extérieur sont réduits à une rapide course occasionnelle à la supérette locale.

Lors de leur entrée dans la salle de lutte, leur température est prise et ils se désinfectent non seulement les mains mais aussi les semelles de leurs chaussures. Chaque athlète a passé un test PCR et tous sont négatifs au coronavirus.

"Les équipes ont fait ce qu'elles pouvaient et chaque personne également," dit Inoue. "J'ignore si les autres pays font la même chose, mais nous ne sommes pas du tout anxieux."

Otoguro aura été, en quelque sorte, chanceux que la préfecture de Yamanashi, où il suit les cours de l'université Yamanashi Gakuin, ait été relativement épargnée par le gros de l'épidémie. Jusqu'au 3 octobre, la préfecture, située à l'est de Tokyo, n'a enregistré que 194 cas et six décès, à comparer aux 26'376 cas et 411 décès de la capitale. En tout, le Japon décompte environ 1'600 décès.

Takiuto et son frère aîné Keisuke sont, à ce jour, les seuls Japonais qui se sont assurés une place en lutte libre aux JO de Tokyo, reportés à 2021. Takuto, champion du monde en 2018, a décroché une place en 65kg en terminant 5ème des mondiaux 2019, tandis que Keisuke s'est sélectionné en 74kg en remportant les éliminatoires nationaux après être passé de 70 à 74kg.

La situation de Keisuke était quelque peu plus favorable lors de son arrivée au camp, car il est membre de l'équipe de l'Ecole de force d'auto-défense et d'entraînement physique, qui offre un haut niveau de compétition et fonctionne d'ordinaire dans sa propre bulle.

Pour s'inspirer, il ne lui est pas nécessaire de chercher plus loin que les entraîneurs de l'équipe, dont trois d'entre eux ont gagné des médailles olympiques. Non seulement cela mais Inoue (bronze, Athènes 2004), Tatsuhiro YONEMITSU (or, Londres 2012) et Shinichi YUMOTO (bronze, Londres 2012) font partie du personnel de l'équipe nationale.

"J'apprends de lutteurs munis de la grande expérience d'avoir gagné des médailles olympiques," dit Otoguro. "Je crois que ce peut être un grand avantage pour moi."

Son frère et Rei HIGUCHI, médaillé d'argent à Rio en 2016 en 57kg qui tentera d'obtenir une place pour Tokyo dans la même catégorie lors du prochain qualificatif Asie, ont tous deux eu l'occasion de voir de première main que leurs entraîneurs n'ont rien perdu depuis leur grande époque.

Takuto Otoguro avait l'avantage du poids face à Yumoto, qui luttait en 55kg dans sa jeunesse. Mias Higuchi s'est retrouvé dans la situation inverse avec Yonemitsu, qui donne l'impression qu'il reviendrait très vite à son meilleur niveau s'il décidait de reprendre la compétition.

"Il y a tellement de choses que je peux apprendre," a commenté Hi face au très musculaire Yonemitsu, dont la corpulence a augmenté depuis son triomphe aux JO de Londres en 66kg. "Naturellement, il y a une certaine différence de taille. Il me faut la dépasser.. Je suis une personne qui déteste perdre, ça a été dur à avaler. Mais je ne crois pas que la situation est sans espoir."

Il reste heureux d'être de retour dans l'équipe nationale, ce qui lui donne la chance de telles rencontres.

"Si je ne suis pas là, je perds l'occasion [de lutter] avec Yonemitsu ou Yumoto. C'est un plaisir, mais c'est aussi frustrant. Cette semaine, je ferai ce que je peux pour les battre."

Keisuke OTOGURO travaille un amené au sol (Photo par Sachiko Hotaka/JWF)

De difficiles décisions à prendre

Higuchi avait tout d'abord choisi de rejoindre l'équipe nationale en 65kg, mais n'a pas pu passer Otoguro. Il est alors descendu de deux catégories, jusqu'en 57kg, pour défier l'ancien champion du monde Yuki TAKAHASHI, qu'il a vaincu en finale de la Coupe de l'Empereur en décembre dernier, ce qui lui a permis de décrocher un billet pour le qualificatif olympique d'Asie.

Un obstacle s'est dressé sur sa route lorsqu'un foyer d'infection a éclaté parmi les lutteurs de l'Université japonaise de sciences sportives, son alma mater où il continue à s'entraîner et officie en tant que professeur assistant. Alors qu'il n'a pas été révélé si Higuchi était parmi ceux touchés par l'infection, il a déclaré avoir fait du mieux possible en les circonstances.

"En raison du coronavirus, la pratique a été réduite" dit-il. "Je suis rentré à la maison et avais beaucoup de temps libre. Je me sentais revigoré avec un sens renouvelé de l'engagement. Donc, ça n'a pas été si mauvais."

Le vétéran Sosuke TAKATANI, deux fois athlète olympique et médaillé mondial d'argent en 2014 en 74kg, qui tentera d'aller aux JO de Tokyo en 86kg, a vu lui aussi son entraînement réduit. Mais il reste imperturbable au sujet de la longue durée entre chaque camp de l'équipe nationale et l'annulation de toutes les compétitions.

"Je ne me sens pas du tout concerné," dit-il. "Chacun dans le pays doit surmonter la crise. Ce n'est pas l'histoire de 'ils ont fait comme ça ou on ne pouvait pas faire comme ci'. Je ferai ce que je peux pour me préparer pour la prochaine compétition."

Quelle sera cette compétition est toujours en suspens, mais même dans le cas du meilleur scénario, les meilleurs lutteurs du Japon devront prendre une décision difficile.

Le championnat du monde, normalement tenu en septembre, a été reprogrammé du 12 au 20 décembre à Belgrade. Mais il chevauchera ainsi les championnats du Japon prévus du 17 au 20 septembre.

Normalement, l'équipe envoyée au championnat du monde est choisie en fonction des résultats de la Coupe de l'Empereur en décembre et des championnats du Japon sur invitation de la Coupe Meiji, habituellement tenus en mai ou juin. Mais ces derniers ont été annulés cette année et un officiel de la Fédération japonaise de lutte a déclaré que les vainqueurs de la Coupe de l'Empereur se verront donner la préférence des places pour l'équipe de Belgrade. Certains, cependant, pourront choisir de rester au Japon pour la Coupe de l'Empereur, qui sera leur prérogative.

Takatani n'a pas hésité à dire qu'il optera pour Belgrade. "Mon objectif est d'être 1er mondial, donc si on m'en donne la chance je veux définitivement la médaille d'or," déclare-t-il, même si manquer la Coupe de l'Empereur mettrait un terme à ses neuf titres nationaux consécutifs.

Takuto Otoguro et Higuchi restent tous deux indécis à ce stade.

"Je dois en parler avec mon entraîneur, pour l'instant je ne sais pas," dit Otoguro, dont la plus récente compétition fut une course vers l'or à New Dehli à l'occasion du championnat d'Asie de février dernier. "Tokyo est l'objectif, c'est le standard. Quel que soit le tournoi auquel je participerai avant cela, je compte remporter le titre."

Higuchi prévoit également de jouer à chaud, ne prenant pas de décision pour l'instant mais assurant qu'il sera sur les tapis de l'une ou l'autre compétition.

"Cela dépendra du moment où je me sens de retrouver mon sens du match" dit-il.

Les équipes nationales de lutte féminine et de lutte gréco-romaine tiendront leurs camps les 20 et 21 octobre respectivement.

Japon

À 56 ans d'intervalle, l'écrivain japonais Masayuki Miyazawa couvrira ses seconds Jeux Olympiques

By Ikuo Higuchi

(L'article qui suit est la version abrégée et traduite d'une histoire récemment parue sur le site de la Fédération japonaise de lutte)

Si couvrir les Jeux Olympiques peut être considéré comme un honneur dans la carrière d'un journaliste, les occasions ne sont pas si rares. Mais couvrir deux éditions des Jeux dans la même ville à 56 ans d'intervalle est une autre chose.

Écrivain de lutte, l'auteur Masayuki Miyazawa remplira ce tour de force dans moins d'une année à l'occasion des Jeux de Tokyo 2020, après avoir couvert l'édition de 1964 pour le quotidien sportif Nikkan Sports.

Depuis, Miyazawa est devenu un pilier de la scène de lutte japonaise, non seulement comme un reporter sans égal mais aussi en tant qu'éditeur, représentant officiel de la Fédération japonaise, entraîneur impromptu et non-conformiste.

"Je ne veux pas être simple spectateur, je veux faire mes reportages en scène," dit Miyazawa, depuis longtemps retraité du Nikkan Sports et qui souhaite, si sa santé le permet, être associé en tant qu'écrivain aux prochains Jeux de Tokyo. Il aura alors 90 ans.

Miyazawa est toujours conseiller pour la Fédération japonaise de lutte, sans oublier ses racines : bien qu'une place lui ait été réservée parmi les officiels de la Fédération pour la Coupe de l'Empereur, il rejoint toujours la section réservée à la presse pour s'asseoir parmi ses pairs. "Je suis un journalise, à vie," commente-t-il.

Miyazawa n'avait pas conscience que ce doublé tokyoïte lui donnait une place particulière dans l'histoire du journalisme jusqu'à ce qu'un collègue lui dise qu'il entrerait ainsi dans le Guiness Book.

Miyazawa est loué pour ses longues années de contribution envers la lutte par le Président de la Fédération japonaise de lutte (FJL) M. Tomiaki Fukuda lors de la célébration, en 2012, de la première médaille d'or olympique remportée par un lutteur (Tatsuhiro Yonemitsu) de l'Université Takushoku, là où Miyazawa fit ses études. (photo : Ikuo Higuchi)

La curiosité maladive de Miyazawa l'a amené à dévoiler quelques-uns des plus grands scoops sportifs de l'histoire du Japon.

Alors au Nikkan Sports, Miyazawa avait publié sur la retraite d'un des champions légendaires du sumo, Yokozuna Wakanohana I (l'épouse de Yokozuna avait appelé Miyazawa). Lors des Jeux d'Asie de 1962 de Jakarta en Indonésie, Miyazawa, qui avait étudié l'indonésien à l'Université Takushoku, avait obtenu un entretien exclusif avec le Président Sukarno, en pleine crise politique à ce moment.

Miyazawa officie en tant qu'arbitre, l'un de ses nombreux rôles, lors des GANEFO (Jeux des nouvelles forces émergentes) de Jakarta en 1963. Il y agit également comme juge et entraîneur de judo et journaliste (photo : avec l'aimable autorisation de Masayuki Miyazawa). 

Bien qu'il ait fait carrière principalement dans la lutte, il couvrait également d'autres sports, dont le judo, la gymnastique, le karate, le pentathlon et les Jeux Paralympiques, assez pour remplir de nombreux volumes.

Retrouver le médaillé perdu
L'une des plus grandes réussites de Miyazawa fut de retrouver un médaillé olympique japonais qui avait disparu sans laisser de trace. Miyazawa ne retrouva Katsutoshi Naito pas seulement sain et sauf au Brésil mais raconta une histoire fascinante dont peu de Japonais avaient connaissance.

L'histoire de la lutte japonaise remonte en quelque sorte à Naito, un judoka qui, dans les années 20, fit le rare et audacieux choix de traverser l'océan pour rejoindre l'Université de Penn. Il y rejoint l'équipe de lutte et, avant l'établissement de l'Association universitaire nationale d'athlétisme (NCAA), remporta le titre interuniversitaire de la côte est en 1924.

Les sentiments anti-immigrants étaient forts aux États-Unis à cette époque, et les Japonais établis aux USA n'en souffraient pas moins que les autres. Naito faisait donc profil bas, ce qui ne l'empêcha pas de trouver le succès. Un politicien japonais, espérant améliorer les relations entre les deux pays, fit en sorte que Naito puisse concourir aux Jeux Olympiques de Paris en 1924.

Katsutoshi Naito, à gauche, lutteur vedette de l'université d'État de Penn, vainqueur de la première médaille olympique de lutte pour le Japon - le bronze des Jeux de Paris en 1924. (Archives de la FJL)

Naito remporta la médaille de bronze de lutte libre, classe des 61kg, aux Jeux de Paris, la première médaille olympique du Japon en lutte et la troisième toutes disciplines confondues - après les deux médailles d'argent remportées en tennis par le Japon lors des Jeux d'Anvers de 1920.

Naito retourna au Japon après les Jeux et tenta d'introduire la lutte dans le pays. Mais il fut à l'époque impossible de faire face à l'emprise du judo, sport national du Japon. Naito, qui avait étudié l'horticulture aux États-Unis, partit alors pour le Brésil, où une large population japonaise immigrée s'était développée. Tout en établissant une entreprise d'horticulture, Naito introduisit le judo auprès de ses hôtes.

Ce n'est qu'en 1932 que la Fédération japonaise de lutte fut établie. Naito s'était effacé des mémoires et personne ne savait où il se trouvait.

Vers la fin des années 50, Miyazawa mit tous ses efforts dans la recherche de ce héros de la lutte japonaise. Par courrier postal, il obtint l'assurance que Naito vivait au Brésil. Miyazawa joua ensuite un rôle essentiel pour que Naito et son épouse assistent aux combats de lutte des Jeux de Tokyo de 1964, où il les rencontra pour la première fois.

Naito a pu éprouver de la fierté de constater comment la lutte s'était désormais implantée de façon durable au Japon et sa réussite, car le Japon obtint alors 5 médailles d'or.

C'est plus tard que Miyazawa s'attacha à la tâche de raconter l'histoire de Naito. Elle fut publiée en octobre 1987. "Je suis allé trois fois au Brésil et trois fois à l'Université de Penn," se souvient-il. Il fut accueilli aux USA par Hachiro Oishi, entraîneur de longue date de Nittany Lions.

En 1985, Miyazawa accompagne Tomiaki Fukuda, l'actuel président de la FJL, et Kazuko Oshima, la première lutteuse japonaise, pour faire un compte-rendu de la participation d'Oshima au premier tournoi international de lutte féminine de l'histoire, organisé à Clermond-Ferrand. Miyazawa a prolongé son séjour pour visiter les sites des JO de 1924 et se rapprocher de la route suivie par Naito à l'époque. Miyazawa est devenu incollable sur la vie de Naito : "Le 14 juillet, c'est là que Naito a remporté sa médaille de bronze."

Miyazawa, au milieu, pose au Brésil en 1990 avec Katsuhiro Naito, à gauche, le fils aîné de Katsutoshi Naito, et Tatsuo Oishi, le grand frère de l'entraîneur Hachiro Oishi, habitant São Paulo. Sur le mur, le diplôme reçu par Katsutoshi Naito pour sa médaille de bronze des JO de Paris en 1924. (photo avec l'aimable autorisation de Masayuki Miyazawa)

Pour la postérité
Pendant plus d'un quart de siècle, des JO de Tokyo en 1964 à mars 1990, Miyazawa fut l'éditeur du mensuel de la Fédération japonaise de lutte, tout d'abord appelé Lutte amateur du Japon, puis Mensuel de lutte et maintenant Lutte olympique. En 1964, la lutte n'était qu'un sport amateur strictement dépendant de l'aide financière du gouvernement et les moyens étaient limités. Miyazawa travaillait donc pro bono, en addition à son travail à temps plein.

Un président de la FJL insistait pour que la presse couvre tout, même les mauvaises nouvelles. La plupart des membres de la fédération considéraient cependant les relations avec les médias comme frivoles. "Dépenser de l'énergie en relations publiques n'amène pas de médaille d'or" constituait le refrain quotidien.

"Je ne me souviens pas avoir reçu quelque compensation que ce soit pour écrire, éditer, me déplacer ou tout autre dépense," dit Miyazawa, qui trouva également le temps d'être le directeur de l'équipe de lutte de son université pendant 10 ans, après que celle-ci fut reléguée en troisième division régionale. En 2012 Tatsuhiro Yonemitsu (lutte libre 66kg) devint le premier lutteur de l'université Takushoku médaillé d'or olympique.

Lors des débuts du magazine, il n'y avait ni fax ni email, et Miyazawa devait rencontrer l'imprimeur à la gare Shinjuku de Tokyo entre deux articles pour le Nikkan Sports. L'imprimeur lui rendait ensuite la première épreuve pour corrections. Les résultats des tournois étaient donc publiés avec trois ou quatre mois de retard.

Pourquoi insister ? Selon Miyazawa, il s'agissait de remplir la mission du journaliste : préserver l'histoire exacte d'une discipline qu'il vénérait pour les générations futures.

Un officiel de la fédération dit un jour à Miyazawa, "Si quelqu'un cherche des résultats, il n'a qu'à venir au bureau. Ne devrais-tu pas inclure plus d'histoires ?" La réponse était non pour Miyazawa. Il demeurait plus important de conserver les résultats pour la postérité. Ses soutiens, dont un officiel de la fédération, remarquait que s'il serait facile pour quelqu'un habitant Tokyo de passer au bureau, ce serait impossible pour les autres. "Beaucoup sont intéressés par les résultats. Voir les noms imprimés, parfois le sien, reste très motivant."

D'autres le loueront plus tard, en disant que les détails et résultats compilés par Miyazawa sont infiniment utiles pour établir des récompenses et avoir une vue d'ensemble.

Miyazawa a aussi révolutionné la terminologie de la lutte au Japon. Une "période" était un "tour" et des références telles que "poids mouche" remplaçaient le classement en kilogrammes. Il semble que cette terminologie de boxe était due aux journalistes couvrant les sports de contact. Miyazawa se détermina à aligner le Japon sur le reste du monde après avoir assisté à un tournoi international. "Lorsque j'ai mentionné les poids mouches, un lutteur européen n'avait aucune idée de quoi je parlais."

Comme la lutte fut importée des États-Unis, Miyazawa se demanda si là-bas des termes de boxe étaient aussi utilisés. L'entraîneur de l'Université Kokushikan et contributeur du site de la FJL William May, lutteur universitaire dans le Minnesota, lui répondit que non. Miyazawa, sans consulter personne, utilisa immédiatement la nouvelle terminologie. Personne n'eut à s'en plaindre.

Miyazawa pose avec la première lutteuse japonaise Kazuko Oshima, troisième à partir de la droite, après un combat de démonstration de lutte féminine à l'occasion de la Coupe des supers champions à Tokyo en 1985. (photo avec l'aimable autorisation de Masayuki Miyazawa)​

Toujours en course
Miyazawa a également soumis sa candidature pour être un porteur de la flamme olympique l'année prochaine. Il sait que s'il est sélectionné, il sera lui-même - cette fois - sujet d'attention médiatique.

Sa santé actuelle est cependant un plus grand sujet d'inquiétude. Opéré pour des calculs biliaires, on lui a découvert un cancer de la prostate, heureusement bénin. Selon son docteur, des injections d'hormones lui garantissent encore de 5 à 10 ans de vie, suffisamment pour assister aux JO de Tokyo.

Sa condition s'est récemment stabilisée. La vie d'un reporter était tout sauf saine. Horaires irréguliers, travail nocturne et célébrations entre collègues jusqu'au petit matin constituaient la norme, comme fumer en tapant à la machine. Même si Miyazawa n'a jamais été fumeur, il n'avait pas de temps à consacrer à l'exercice physique et ne donnait pas un sou de son régime.

À 62 ans, cinq années après la retraite et travaillant contractuellement pour Nikkan Sports, il a payé de sa poche pour assister aux JO de Barcelone en 1992. Voyant une photo de lui-même, il fut choqué de voir combien il avait grossi. On lui diagnostiqua à son retour au Japon le diabète.

Grâce aux médicaments, un régime sain et des exercices physiques, sa condition s'améliora rapidement. Une marche en piscine quotidienne le fit redescendre de 74 à 57kg, son poids de lutteur universitaire.

Miyazawa a couru deux tours de 400 mètres l'année passée lors d'un événement organisé par l'équipe nationale de lutte féminine, et terminé bon dernier ; mais les 200 mètres demandés pour la flamme olympique restent largement dans ses cordes.

Un autre obstacle pourrait être son accréditation. Obtenir une carte de presse en 64 était simple et il put alors écrire sur ce qu'il souhaitait. Le CIO a aujourd'hui rendu le processus bien plus sélectif.

Un ami de Miyazawa lui a proposé autre chose : "Après la double couverture des JO de Tokyo, pourquoi ne pas aller à Paris en 2024 et marquer les 100 ans de la victoire de la médaille de Naito ?"

"Mon docteur m'a donné 10 ans," a répliqué Miyazawa. "Je compte y être."