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Mondiaux U20 : Shapiro remporte l'or, Nishiuchi répète l'exploit

By Vinay Siwach

AMMAN, Jordanie (15 août) -- Meyer SHAPIRO (USA) parle de son mental. Qu'il s'agisse des cours de John DIAKOMIHALIS (USA) avant de venir à Amman ou de survivre à la chaleur de la ville, Shapiro pense qu'il a réussi à rester calme malgré le fait d'avoir pensé toute la journée à sa finale.

"Je me suis réveillé ce matin mais elle [la finale] était toujours dans un coin de ma tête," a déclaré Shapiro. C'est difficile de penser à quelque chose toute la journée et de ne pas être s'en inquiéter. Hier [Lundi] a été une journée éprouvante. Il fait chaud dans ce pays et c'est une donnée que je devais ajouter à mon jeu mental. La première session a été éprouvantes, des matchs difficiles."

Peut-être que fort de ces leçons de ces matches difficiles de lundi, Shapiro, par une journée étouffante à Amman, a gardé son calme contre Ali REZAEI (IRI) pour remporter son second titre mondial du groupe d'âge, gagnant la médaille d'or des 70kg aux championnats du monde U20 mardi.

Après avoir mené 4-0 et s'être cassé la tête lors d'une collision avec Rezaei, Shapiro s'est ressaisi et a continué son parcours fulgurant pour remporter la finale 11-6 et offrir aux Etats-Unis leur premier champion du tournoi.

Le champion du monde U17 2021 est entré dans la compétition comme l'un des favoris et Rezaei, médaillé de bronze du tournoi 2021, a prouvé sur ces deux jours pourquoi sa lutte "créative et funky" était difficile à gérer par ses adversaires.

"Mon style de lutte est créatif et j'aime le la fluidité," a déclaré Shapiro. "Je m'imaginais porter ce survêtement blanc sur le podium depuis qu'il a été donné à l'équipe mondiale senior [en 2022] et avoir cette ceinture."

Shapiro y est parvenu en disputant une des plus grandes finales dans l'histoire du tournoi en brisant Rezaei avec sa lutte difficile et en restant invaincu internationalement. 

Bien que la finale n'ait pas été positive pour Shapiro, puisqu'il s'est fait retourner pour deux points avant que Rezaei ne marque un piège pour deux points supplémentaires, Shapiro a reçu un coup à la tête, littéralement pour retrouver sa concentration. Shapiro s'est cogné la tête contre la hanche de Rezaei et une coupure à la tête a nécessité de sérieux soins médicaux.

Bien qu'il ait "paniqué", Shapiro est revenu avec un esprit concentré et a ouvert son score avec un stepout. Il a ensuite ajouté deux points avec une exposition en poussant au sol Rezaei alors qu'il tentait de soulever Shapiro.

"Beaucoup d'émotions dans ce match," a-t-il déclaré. "Je me suis emporté et il s'est aussi emporté. Dans cet échange, j'ai ressenti beaucoup d'émotions dans ma tête. Je paniquais un petit peu. Mais j'ai eu le temps de me remettre les idées en place. Ca a l'air difficile mais ça a été mon match favori du tournoi. J'ai pu réellement montrer mes compétences." 

Shapiro était un lutteur différent en seconde période. Il a utilisé son rayon d'action pour marquer avec des ankle picks. Il a marqué un takedown 10 secondes après la pause. Un stepout et un autre takedown contre a fait 8-4 pour le lutteur américain. Rezaei a répliqué par un double lighting et a réduit l'écart à 8-6. Mais Shapiro a contrôlé le centre du tapis et mis Rezaei en position inconfortable. Il a réussi un stepout et takedown supplémentaire pour s'imposer 11-6.

"J'ai de longs bras et jambes. Je peux bien les utiliser," a-t-il déclaré. "Je suis capable de me mettre en position, de lutter avec Yianni [Diakomihalis] et d'autres gars qui me poussent, et on me répète sans cesse qu'il faut mettre ces gars en position, ils ne sont pas meilleurs que toi."

Shapiro tentera de le prouver lors de la saison universitaire nationale plus tard cette année, lorsqu'il luttera pour l'Université Cornell, qui accueille Diakomihalis et le quadruple champion du monde Kyle DAKE (USA). Mais avant cela, il y aura sa présentation où, selon toute vraisemblance, Shapiro arrivera avec un œil meurtri et une coupure à la tête.

"J'ai quelques bleus et coupures, mais je vais reprendre l'entraînement", a-t-il déclaré..

Mohammad Reza SHAKERI (IRI)Mohammad Reza SHAKERI (IRI) célèbre après avoir remporté la médaille d'or contre Jesse MENDEZ (USA). (Photo: UWW / Kostadin Andonov)

Les Etats-Unis avaient deux lutteurs de plus en finales qui n'ont pas réussi à répéter l'exploit de Shapiro.

En 65kg, Jesse MENDEZ (USA) a lutté contre Mohammad Reza SHAKERI (IRI) et n'a pas réussi à égaler le niveau de Shakeri, s'inclinant en finale sur le score de 5-2

Shakeri, qui a terminé neuvième aux championnats du monde U20 l'année dernière, a franchi des paliers pour remporter la médaille d'or cette année. Il a placé Mendez dans des underhooks solides et a ouvert le score grâce à un steptout avant d'obtenir un point pour l'inactivité du lutteur américain.

En seconde période, Shakeri a été mis au chrononmètre des tirs et a cédé un point mais a ajouté un stepout pour mener 3-1. Il a porté le score à 4-1 à une minute de la fin avec un autre stepout. Mendez a obtenu un single leg mais n'a réussi qu'à pousser dehors Shakeri pour un point. Alors que le désespoir de Mendez grandissait, Shakeri a gardé le cap pour gagner 5-2, se méritant ainsi une première médaille mondiale, lui qui a terminé cinquième aux Championnats du monde U17 de 2021.

Yuto NISHIUCHI (JPN)Yuto NISHIUCHI (JPN) marque un takedown contre Luke LILLEDAHL (USA) in the 57kg final. (Photo: UWW / Amirreza Aliasgari)

Le champion du monde U17 de l'année dernière Luke LILLEDAHL (USA) cherchait à ajouter un titre mondial U20 à son CV  jusqu'à ce qu'il rencontre Yuto NISHIUCHI (JPN) qui a remporté le titre mondial U20 en 61kg en 2022.

Luttant en final des 57kg cette année, Nishiuchi a créé l'histoire en devenant le premier lutteur du Japon à remporter deux médailles d'or mondiales U20 en lutte libre.

Un lutteur qui a remporté des médailles aux épreuves de Ranking Series senior, Nishiuchi a utilisé son expérience pour complètement mettre à terre Lilledahl qui a atteint la finale après un tombé au buzzer contre Ruslan ABDULLAYEV (AZE) en demi-finale.

Mais il n'y avait pas de retour possible pour lui en finale car Nishiuchi a marqué deux takedowns et un stepout pour remporter la médaille d'or 5-0.

Nishiuchi était soulagé de cette médaille d'or car il a dû se remettre rapidement d'une blessure au genou subie lors de la Meiji Cup en juin.

"J'ai été blessé à la Meiji Cup et je m'inquiétais de savoir si je pouvais récupérer sur un court laps de temps avec ces championnats du monde. Mais je suis en bonne condition maintenant avec le bandage," a-t-il déclaré.

Passer de 61 kg à 57 kg n'est pas sans poser de problèmes, et le plus important pour Nishiuchi a été la réduction de poids. Cela a provoqué quelques bosses sur son chemin, mais le lutteur japonais a réussi à garder le contrôle de la situation.

"Le match le plus difficile était le premier contre l'Ouzbékistan parce que je perdais du poids et que je ne me déplaçais pas en douceur," a-t-il déclaré."Mais ma condition s'est améliorée plus tard."

Conscient qu'il pouvait créer l'histoire, Nishiuchi était aussi sous pression en tant que champion.

"Je savais qu'aucun lutteur japonais n'avait gagné deux fois aux championnats du monde U20," a-t-il déclaré. L'année dernière, j'étais le challenger mais cette année j'étais le champion donc j'avais la pression et j'étais aussi nerveux."

Abolfazl BABALOO (IRI)Abolfazl BABALOO (IRI) a battu Ivan PRYMACHENKO (UKR), 5-0,en finale des 97kg. (Photo: UWW / Amirreza Aliasgari)

L'Iran a remporté sa seconde médaille d'or de la journée quand Abolfazl BABALOO (IRI) a battu Ivan PRYMACHENKO (UKR), 5-0, en finale des  97kg.

Dans un revirement remarquable, Babaloo est passé de la cinquième place aux championnats d'Asie U20 à Amman pour devenir champion du monde U20 en un mois. Il s'est vengé de ses défaites contre Kamil KURGULIYEV (KAZ) et Deepak CHAHAL (IND).En finale, Babaloo a obtenu un point pour l'inactivité de Prymachenko avant d'ajouter deux stepouts pour mener 3-0 à la pause. Toute tentative de Prymachenko était facilement contrée par Babaloo qui a marqué un takedown pour s'imposer 5-0.

Quand le meilleur lutteur du monde l'a qualifié de 'machine', Ibragim KADIEV (AIN) n'a guère eu d'autre choix que d'accepter l'adjectif. Mardi, il a su se montrer à la hauteur.

La description d'un mot de Kadiev par Abdulrashid SADULAEV a bien été mise en évidence lorsque le lutteur de 79kg a décroché la médaille d'or  en battant Sagar JAGLAN (IND) 17-6 en finale.

Kadiev,qui s'entraîne à la Sadulaev Sports School,a exploité la position ouverte de Jaglan et a attaqué ses jambes pour marquer la majorité de ses points. Il a débuté avec un slide-by takedown mais a frappé un double pour marquer un stepout. Un autre takedown a porté le score à 5-0.

Cependant, Jaglan, qui est connu pour dépasser ses adversaire, a ouvert son score avec un go-behind avant d'ajouter un lace pour réduire l'avance à 5-4. Kadiev a été averti pour un coup à l'oeil et l'avertissement a donné à Jaglan une avance sur critères 5-5 à la pause.

Mais Kadiev a fait un démarrage puissant en seconde période avec un stepout et un takedown, les deux en utilisant des attaques double-leg. Jaglan a continué à accélérer le rythme et Kadiev a été averti pour fuite. Comme le match reprenait en par terre, Jagland a essayé de faire tourner Kadiev qui a retenu Jaglan à mi-tour et a marqué deux points de plus pour étendre son avance 10-6.

Kadiev a suivi avec un quatre-points que l'Inde a contesté pour le voir tourner en sa défaveur, Kadiev menant désormais 15-6. Dans la dernière mêlée, Kadiev a marqué par exposition pour remporter l'or après un combat épuisant.

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RESULTATS

57kg
OR : Yuto NISHIUCHI (JPN) a battu Luke LILLEDAHL (USA), 5-0

BRONZE : Edik HARUTYUNYAN (ARM) a battu Ruslan ABDULLAYEV (AZE), 8-4
BRONZE : Nodirbek JUMANAZAROV (UZB) a battu SAGAR (IND), 10-0

65kg
OR : Mohammad Reza SHAKERI (IRI) a battu Jesse MENDEZ (USA),

BRONZE : Dalgat ABDULKADYROV (AIN) a battu Kaiji OGINO (JPN), 9-2
BRONZE : Abdullah TOPRAK (TUR) a battu Aden SAKYBAEV (KGZ), 5-3

70kg
OR : Meyer SHAPIRO (USA) a battu Ali REZAEI (IRI), 11-6

BRONZE : Ibrahim YAPRAK (TUR) a battu Omurbek TAALAIBEK UULU (KGZ), 3-2
BRONZE : Magomed BAITUKAEV (AIN) a battu Julian GEORGE (PUR), 12-2

79kg
OR : Ibragim KADIEV (AIN) a battu Sagar JAGLAN (IND), 17-6

BRONZE : Matthew SINGLETON (USA) a battu Ahmet YAGAN (TUR), 9-7
BRONZE : Ali TCOKAEV (AZE) a battu Farzad SAFIJAHANSHAHI (IRI), 11-1

97kg
OR : Abolfazl BABALOO (IRI) a battu Ivan PRYMACHENKO (UKR), 5-0

BRONZE : Deepak CHAHAL (IND) a battu Uladzislau KAZLOU (AIN), 9-8
BRONZE : Camden McDANEL (USA) a battu Kamil KURUGLIYEV (KAZ), 8-2

Demi-finales

61kg
OR : Mohit KUMAR (IND) contre Eldar AKHMADUDINOV (AIN)

DF 1 : Mohit KUMAR (IND) a battu Besir ALILI (MKD), via fall (8-6)
DF 2 : Eldar AKHMADUDINOV (AIN) a battu Ali KHORRAMDEL (IRI), 10-9

74kg
OR : Mitchell MESENBRINK (USA) contre Hossein AGHAEI (IRI)

DF 1 : Mitchell MESENBRINK (USA) a battu Zhakshylyk BAITASHOV (KGZ), 10-0
DF 2 : Hossein AGHAEI (IRI) a battu Anton SUCHKOV (AIN), 9-0

86kg
OR : Fumiya IGARASHI (JPN) contre Rakhim MAGAMADOV (FRA)

DF 1 : Fumiya IGARASHI (JPN) a battu Eugeniu MIHALCEAN (MDA), 10-0
DF 2 : Rakhim MAGAMADOV (FRA) a battu Bennett BERGE (USA), 9-2

92kg
OR : Mohammadmobin AZIMI (IRI) contre Rizabek AITMUKHAN (KAZ)

DF 1 : Mohammadmobin AZIMI (IRI) a battu Knyaz IBOYAN (ARM), 10-0
DF 2 : Rizabek AITMUKHAN (KAZ) a battu Giorgi ROMELASHVILI (GEO), 11-1

125kg
OR : Said AKHMATOV (AIN) contre Amirreza MASOUMI (IRI)

DF 1 : Said AKHMATOV (AIN) a battu Karanveer MAHIL (CAN), 6-3
DF 2 : Amirreza MASOUMI (IRI) a battu Volodymyr KOCHANOV (UKR), 11-0

Formée au Japon et aux États-Unis, Yoneoka espère entraîner la Norvège vers le succès mondial

By Ken Marantz

TOKYO, Japon (20 juillet) -- Yurie YONEOKA a pris sa part de coups tout au long de sa carrière de lutte, mais elle semble toujours retomber sur ses pieds. Cette fois, elle s'est retrouvée sur un deuxième continent différent.

Yurie Yoneoka, une Japonaise qui a participé à des compétitions universitaires aux États-Unis avant d'y devenir entraîneur, a été engagée comme entraîneur principal de l'équipe nationale féminine de Norvège, qui espère que le succès de son pays d'origine pourra déteindre sur elle après des décennies de maigres résultats.

La Norvège, qui figurait parmi les meilleures nations de lutte féminine au début des années 1990, n'a pas produit de championne du monde depuis que Gudren HOELE a remporté la dernière de ses cinq médailles d'or mondiales en 1998 dans la catégorie des 56 kg, et sa dernière médaille mondiale, quelle qu'elle soit, est une bronze obtenue en 2005 par Lene AANES dans la catégorie des 59 kg.

Yurie Yoneoka, 29 ans, a été engagée pour un contrat initial de deux ans, mais avec pour objectif de produire des résultats aux Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. C'est une tâche difficile en soi, car la Norvège n'a eu qu'une seule femme qualifiée en lutte pour les Jeux olympiques dans son histoire, lorsque Signe Marie STORE s'est qualifiée dans la catégorie des 69 kg aux Jeux de Rio en 2016, mais a terminé 18ème.

YoneokaYurie YONEOKA s'entretient avec la presse lors d'un récent voyage de retour au Japon. (Photo: Japan Wrestling Federation)

“Nous avons un objectif de six ans qui est Los Angeles [2028]", a déclaré Yurie Yoneoka lors d'une interview à Tokyo au début du mois, alors qu'elle était revenue pour assister à un mariage. "Mais nous devons faire des pas de bébé. La première chose à faire est donc de remporter une médaille aux Championnats d'Europe chez les seniors et chez les juniors [U20].

“Nous espérons obtenir une médaille aux championnats du monde. C'est la façon la plus proche d'aller aux Jeux olympiques", a-t-elle déclaré, en faisant référence aux places de qualification directe pour les Jeux olympiques disponibles lors des Championnats du monde.

Yurie Yoneoka, qui souhaite à terme obtenir un poste de direction à United World Wrestling afin de faire progresser le statut des femmes et du Japon, a découvert l'ouverture du poste en Norvège grâce à une annonce sur le site web d'UWW. Elle a immédiatement postulé et, après un long processus d'entretien, a été engagée en juin.

"À l'époque, j'étais entraîneur à l'université aux États-Unis et je cherchais à franchir une étape pour un poste d'entraîneur de plus haut niveau", dit-elle. "Mon objectif [ultime] dans la vie est de travailler pour United World Wrestling. Je me suis donc demandé quelles étaient les bonnes étapes pour atteindre mon objectif, et j'ai pensé qu'un poste d'entraîneur de haut niveau serait une très bonne opportunité.”

YoneokaYurie YONEOKA s'adresse aux membres de l'équipe nationale norvégienne pour la première fois lors d'une brève visite le mois dernier. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

La Norvège a une star senior en la personne de Grace BULLEN, double championne d'Europe, mais elle n'a pas encore répondu aux attentes en termes de médailles mondiales et de qualification olympique. Yurie Yoneoka a déclaré qu'elle se concentrerait davantage sur le développement de la prochaine génération de lutteurs.

“La fédération m'a demandé de me concentrer sur les U20, a-t-elle déclaré. "Mais je vais faire beaucoup de camps pour rassembler les filles et créer des liens entre elles, quel que soit leur âge. Pour les U17 et U15, je continuerai probablement à entraîner et à me rendre à la compétition si je suis disponible, mais pas super-focalisée, plutôt un soutien.”

Yurie Yoneoka cherche à centraliser les opérations de l'équipe nationale à Oslo et a déjà organisé un camp d'entraînement pour septembre. Elle n'a rencontré que brièvement les membres de l'équipe et attend toujours un visa de travail et un logement.

Ayant été exposée à ce sport à la fois au Japon et aux États-Unis, Yurie Yoneoka pense qu'elle apporte une large perspective à la Norvège et peut permettre aux membres de l'équipe de trouver le style qui leur convient le mieux.

"Tout en tirant le meilleur parti du style propre à chaque individu, je crois qu'il est vital d'ajouter à ce qu'ils font bien, plutôt que de changer complètement leur lutte", a déclaré Yurie Yoneoka dans une interview antérieure sur le site de la JWF. "Six ans vont passer avant que vous ne le sachiez. S'il y a le moindre sentiment d'hésitation, le but s'éloignera."

En ce qui concerne les différences, "le style japonais est très axé sur les bases, et elles ont une technique élevée. Très bon conditionnement", déclare Yurie Yoneoka. “Le style américain est très puissant, avec de grands mouvements dynamiques. Ils aiment montrer des choses. Et ils ont un manque de conditionnement. Bien sûr, ils n'ont pas fait beaucoup de style libre, donc c'est probablement un point. Le style européen est très mélangé, et je dirais qu'il est très équilibré entre le style japonais et le style américain.”

YoneokaYurie YONEOKA, au centre à droite, pose avec ses coéquipières de l'Université de Providence après s'être classée sixième aux championnats nationaux collégiaux des États-Unis 2019. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

Venir en Amérique

Bien que Yurie Yoneoka n'ait jamais participé à un championnat du monde ou d'Asie à quelque niveau que ce soit, elle était une lutteuse de lycée meilleure que la moyenne, se classant troisième aux championnats nationaux de lycée à une époque qui allait produire plusieurs futurs champions olympiques.

Mais une désillusion ultérieure concernant son programme universitaire au Japon a déclenché un voyage qui l'a amenée dans l'une des régions les plus rurales et les plus éloignées des sentiers battus d'Amérique.

Comme pour le poste en Norvège, l'intérêt de Yurie Yoneoka pour un saut de l'autre côté du Pacifique a été suscité par une annonce en ligne, celle-ci sur le site de la Japan Wrestling Federation en 2013. Il y avait un appel pour les lutteurs japonais intéressés par la compétition universitaire aux États-Unis.

À l'origine du projet se trouve Tadaaki HATTA, ancien champion NCAA et entraîneur de l'équipe nationale américaine, qui a longtemps servi de lien entre les deux pays.

Dans le passé, quelques Japonais comme Hatta sont allés dans des universités américaines, notamment Yojiro UETAKE, qui est resté invaincu à Oklahoma State dans les années 1960 et est devenu deux fois champion olympique, et Sanshiro ABE, qui a remporté un titre NCAA à Penn State en 1996 et a participé aux Jeux olympiques d'Atlanta cette année-là. Mais Yurie Yoneoka reste toujours la seule femme à avoir franchi le pas. Et le chemin n'a pas été facile. Yurie Yoneoka a d'abord dû passer le test d'anglais comme langue étrangère (TOEFL), un obstacle redoutable étant donné que "[l'anglais] était la matière pour laquelle j'ai toujours eu les plus mauvaises notes à l'école. J'étais toujours la dernière de la classe. J'ai donc littéralement commencé par le niveau 'Ceci est un stylo'."

Quelle persévérance! Yurie Yoneoka a échoué le test 14 fois - 14 fois ! -- sur une période de quatre ans, avant d'obtenir la note de passage. Pendant cette période, elle a travaillé à temps partiel comme réceptionniste dans un magasin de nettoyage à sec et comme membre du personnel chez Costco.

Yoneoka avait été recrutée pour intégrer l'université de Jamestown, dans le Dakota du Nord, et l'école a patiemment attendu qu'elle passe le test TOEFL. "Nous sommes restés en contact et [l'école] m'a toujours soutenue dans ce que je faisais", a-t-elle déclaré.

Malheureusement, après son arrivée à Jamestown, elle n'a pas pu participer aux compétitions dès sa première année pour des raisons qu'elle ne comprend toujours pas. L'année suivante, l'entraîneur Tony DEAND a pris un nouveau poste à l'Université de Providence à Great Falls, Montana, et a emmené Yurie Yoneoka avec lui. Et une fois de plus, elle a été déclarée inéligible à la compétition pour une saison. Lorsque Deand est parti après une seule saison, Yurie Yoneoka est restée à Providence.

Si le fait de partir étudier à l'étranger lui a offert plus de liberté qu'au Japon, Yurie Yoneoka était trop occupée en tant qu'étudiante-athlète pour s'impliquer dans la vie sociale. "Je ne faisais pas beaucoup la fête", dit-elle. "Je devais aussi gagner de l'argent, car je n'ai pas reçu de bourse complète. Je devais travailler sur le campus, au Starbucks, pour seulement deux ou trois services [par semaine]."

Elle décrit sa routine comme suit : "entraînement le matin, aller en cours, travailler et s'entraîner. C'était tout."

Finalement, son année junior a été la seule au cours de laquelle elle a réalisé une saison de compétition complète. Elle a remporté des titres à l'Open de Spokane et à la Battle of the Rockies, puis a terminé sixième au championnat 2019 de la Women's Collegiate Wrestling Association à 116 livres (52,6 kg). Elle était classée troisième de la nation en 109 livres (49,5 kg) lors de sa dernière année, mais les championnats de 2020 ont été annulés à cause de la pandémie.

Après avoir obtenu un diplôme en sociologie, elle a été engagée comme entraîneur adjoint à Providence, devenant ainsi la toute première Japonaise à entraîner au niveau universitaire aux États-Unis.

Elle dit qu'il a été difficile de quitter Providence et l'équipe pour prendre le poste avec l'équipe norvégienne, mais dit que la réponse a été positive. "C'était assez difficile, surtout pour les filles avec qui j'avais construit une très bonne relation", dit-elle. "Elles étaient très tristes, mais elles étaient heureuses pour moi que j'obtienne le poste."

YoneokaYurie YONEOKA, deuxième en partant de la droite, se tient sur le podium après s'être classée troisième à la Junior Queens Cup 2010. À sa droite, la championne Risako KAWAI, désormais double médaillée d'or olympique. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

Un pot-de-vin sucré lance une carrière

L'entrée de Yurie Yoneoka dans le monde de la lutte a été essentiellement le résultat d'un pot-de-vin. Le coupable : son père. L'appât : le chocolat.

Née à Tokyo, la famille de Yurie Yoneoka a déménagé à Kashiwa, dans la préfecture de Chiba, alors qu'elle était encore enfant. Son père, qui était un joueur de handball amateur dévoué, cherchait un sport pour sa fille de quatre ans lorsqu'il a vu une affiche au centre sportif municipal local. Il s'agissait d'une affiche pour un club local de lutte pour enfants.

“Il m'a dit : "Ça y est", se souvient Yurie Yoneoka. "Mais j'étais une fille très, très timide et il m'a dit : 'Tu veux y aller parce que je vais t'acheter du chocolat'. Et j'adore le chocolat. Le chocolat est donc la seule raison pour laquelle je me suis lancée dans la lutte.”

Elle se souvient encore de son premier jour dans ce sport. "C'était un entraînement très dur. [Mon père] m'a lancée dans l'entraînement, et j'ai dû faire tout l'entraînement le premier jour. J'ai presque pleuré."

Mais avec un mélange de détermination et d'entêtement qui lui permettra de traverser des moments difficiles plus tard dans sa vie, Yurie Yoneoka s'est accrochée et a montré son potentiel. Elle a développé une passion pour ce sport et a continué jusqu'à ce qu'elle soit obligée d'arrêter brièvement à cause de l'un des principaux problèmes sociaux du Japon, l'intimidation, dont elle a été victime au collège.

"J'ai été très malmenée et je n'ai pas pu aller à l'école pendant un certain temps", dit-elle. "J'ai donc dû arrêter la lutte aussi parce que l'équipe de lutte s'entraînait dans ce collège. Quelques mois plus tard, j'ai simplement changé d'école."

Déterminée à reprendre le sport, elle a passé les examens d'entrée du lycée Saitama Sakae dans la préfecture voisine de Saitama. Il s'agit de l'une des meilleures écoles de lutte de la région du Kanto, qui comprend Tokyo et les préfectures environnantes, mais aussi d'une école à vocation académique.

"Je voulais être la meilleure lutteuse possible, et mon rêve était aussi d'aller aux Jeux olympiques", dit Yurie Yoneoka. "Je me suis demandée où je pourrais aller pour atteindre cet objectif. Il n'y avait que quelques écoles sélectives dans la région de Kanto, car la lutte [féminine] était encore en développement.

"Sakae était une très bonne école qui avait aussi un très bon programme académique. Mes parents voulaient seulement que je fasse de mon mieux pour les études et le sport. [Ils ont dit]  si tu suis le programme d'études avancées, tu pourra continuer à lutter. J'ai étudié et je suis entrée dans l'école."

Outre le programme d'études, aller à Sakae signifiait endurer une autre épreuve : un trajet en train de deux heures depuis son domicile à Kashiwa. "Ces trois années ont probablement été l'une des périodes les plus difficiles de ma vie", dit-elle. "Les entraînements commençaient à 7 heures le matin, je devais donc me réveiller avant 5 heures et sauter dans le train pendant deux heures."

YoneokaYurie YONEOKA pose avec les membres de l'équipe U15 de Norvège. (Photo courtesy of Yurie Yoneoka)

En 2010, Yurie Yoneoka s'est classée troisième dans la division U17 de la Junior Queens Cup en 49 kg, une catégorie de poids remportée par la future double championne olympique Risako KAWAI. L'année suivante, elle a remporté une médaille de bronze aux Championnats nationaux des lycées dans cette catégorie de poids, qui a été remportée par Nanami IRIE, une future médaillée d'argent aux championnats du monde.

Pour vous donner une idée de la compétitivité des championnats nationaux des lycées de 2011, les championnes de trois autres catégories de poids sont devenues championnes olympiques : Kawai, Eri TOSAKA et Sara DOSHO. Yurie Yoneoka a rencontré Tosaka lors d'un camp de lutte à l'école secondaire et elles sont restées amies jusqu'à ce jour.

"C'était vraiment difficile", a déclaré Yurie Yoneoka à propos de la compétition. "J'étais en fait très peu sûre de moi en ce qui concerne la lutte. Cela m'a donné la force de persévérer, de m'améliorer chaque jour. Mais je n'étais pas sûre de pouvoir y arriver."

Alors que les Trois Grandes ont fini par rejoindre l'université Shigakkan, Yurie Yoneoka a été poussée par son entraîneur à rester dans la région de Kanto et à rejoindre l'université Toyo. Elle ne s'est jamais vraiment intégrée au programme et, après trois années médiocres, elle a abandonné en dernière année lorsque l'opportunité d'aller aux États-Unis s'est présentée.

"La communauté de la lutte est assez soudée, et mon entraîneur au lycée m'a poussée à aller à l'université de Toyo", dit-elle. "J'ai aimé cette université en tant que telle, mais la situation de l'équipe n'était pas ce que j'avais imaginé ou ce que je souhaitais. Ce n'était pas la meilleure situation pour moi en tant qu'athlète.

"Je ne regrettais pas d'avoir quitté l'équipe, mais j'avais le sentiment que je ne devais pas quitter la lutte elle-même. Je me sentais dévasté à propos de la lutte. Je me demandais ce que je devais faire de ma vie. Tout ce que j'avais fait dans ma vie, c'était de la lutte. Au très, très bon moment, j'ai vu la publicité de Tadaaki Hatta."

Après avoir vu leur fille passer les six dernières années environ aux États-Unis, que pensent ses parents du fait que son parcours professionnel l'amène maintenant en Norvège?

"Mes parents ont tout d'abord été surpris", dit-elle. "Mais ils savent que même s'ils disent quelque chose, je ferai toujours ce que je veux. Pour mes parents, c'était comme : "d'accord, vas-y.'

"Mes amis m'ont dit : "La Norvège ? Je croyais que tu vivrais aux États-Unis pour toujours.'"

Yurie Yoneoka attend avec impatience la première fois où une de ses lutteuses norvégiennes affrontera une adversaire japonaise sur le tapis.

"J'ai l'impression que je serai fière de la Norvégienne de concourir contre une Japonaise, car évidemment, les lutteuses japonaises sont les meilleures", dit-elle. "Mais je pense que ce sera bon pour moi d'apprendre certaines choses aussi, et j'ai tellement de respect pour la fédération de lutte et les lutteuses japonaises. Ce sera un peu nostalgique, mais ce sera un bon sentiment."

Dans l'ensemble, il s'agit également de faire accepter les femmes dans ce sport.

"Aux États-Unis, il y a encore des problèmes de manque de respect de la lutte féminine par les lutteurs masculins ou même simplement par les hommes", dit-elle. C'est un gros problème et j'ai l'impression que les filles doivent encore se défendre, ce qui est assez triste.

"En Norvège, il y a un grand système d'égalité, comme les hommes et les femmes doivent être égaux. Je pense que c'est une bonne chose, mais dans le milieu de la lutte, c'est un combat difficile. Bien sûr, je me défendrai pour moi et pour mes filles, ainsi que pour mon avenir en tant que femme. C'est l'un de mes objectifs."