Coupe du Monde Féminine

Le Japon, hôte de la Coupe du Monde de Lutte Féminine, maintient la Chine à distance et conquiert son quatrième titre d'affilée

By Ken Marantz

Dépourvu d'une de ses championnes du monde et olympique, le Japon devait s'appuyer sur une lutteuse moins titrée pour faire la différence et remporter une victoire cruciale.

Entre en scène Ayana GEMPEI (JPN), dont la victoire par ceinture arrière en 65kg entraîna la consécration de l'hôte japonais sur la Chine en finale du Championnat du Monde de Lutte Féminine, lui rapportant son quatrième titre consécutif et dixième toutes éditions confondues.

"J'étais si concentrée ; je n'ai pas vraiment pensé à ça," a commenté Gempei sur le fait d'être en position de donner au Japon une avance irrattrapable. "De toute façon, j'y suis allée absolument déterminée à gagner."

Face à TANG Chuying (CHN), Gempei était menée 3-2 quand elle a réalisé une projection au sol et une ceinture de côté dans les douze secondes finales pour remporter la victoire 6-3.

"Je perdais, mais j’étais sûre de pouvoir obtenir quelque chose quelque part. Je croyais dans ce que j’amenais [au tapis]. J’y suis allée en toute confiance."


Uki IRIE (JPN) célèbre sa dixième victoire par supériorité technique sur la médaillée de bronze olympique chinoise SUN Yanan of China (Photo: Max Rose-Fyne). 

Yuki IRIE (JPN) a donné au pays hôte un départ parfait quand elle a submergé la médaillée de bronze des Jeux Olympiques de Rio en 2016 SUN Yanan (CHN), accumulant 10 points à zéro avant de l’emporter par tombé 46 secondes avant la cloche.

Irie, qui avait vaincu la championne du monde Yui SUSAKI au championnat du Japon en décembre, sortait d’une performance décevante aux récents jeux d’Asie de Bishkek, où elle a dû se contenter de la médaille de bronze dans un tournoi dominé par la Chine.

Mais devant les 2000 spectateurs de l’Arène Takasaki chauffée à blanc et en diffusion télévisée nationale, Irie a démontré de quoi elle était faite. 

"Au début, je me posais des questions sur Irie," a déclaré l’instructeur principal japonais Hideo SASAYAMA. "Si nous perdons ici, ce pourrait être un problème. Mais si nous gagnons à l’ouverture, les choses s’enchaînent. Elle a remporté une victoire magnifique et a donné son élan au Japon."
La championne du monde de Paris 2017, Haruna OKUNO (JPN), a suivi en 53kg avec une victoire par tombé sur OUYANG Junling (CHN), contrastant sur sa laborieuse victoire de la veille 7-6 sur Sarah HILDEBRANDT (USA).

"Dans le match d’hier, j’ai laissé mon adversaire suivre sa stratégie," a déclaré Okuno. "Aujourd’hui, j’ai pu faire ce que je voulais."

La médaillée d’argent de Paris 2017 Mayu MUKAIDA (JPN), a assuré la continuité avec une victoire par supériorité technique 10-0 en 1’27 sur XIE Mengyu (CHN) en 55kg.

Mais même si on pouvait s’attendre à ces trois victoires, les prochains combats seraient décisifs pour la Chine, qui comptait préparer la scène pour son trio hautement réputé de poids lourds.

RONG Ningning (CHN) cherche le tombé en finale du Championnat du Monde de Lutte Féminine (Photo: Max Rose-Fyne)

La prochaine lutteuse alignée pour la Chine était la médaillée d’or à Bishkek 2018 RONG Ningning en 57 kg, et ce fut une surprise pour beaucoup quand Katsuki SAKAGAMI pris la tête 4-0. Mais Rong dérouta Sakagami par une tentative de double ramassement de jambes enlevées, l’envoyant sur son dos avant d’enlever cinq ceintures de côté – dont la dernière à la cloche de la première période pour une victoire par supériorité technique 15-4.

En 59kg, Yukako KAWAI (JPN) remporta un succès capital quand elle marqua en seconde période une projection au sol pour une victoire 3-1 sur PEI Xingru (CHN) qui, comme Rong, était une des cinq championnes d’Asie récemment couronnées et montant sur le tapis pour la Chine ce dimanche.

La sœur aînée de Kawai, la championne olympique de Rio 2016 et championne du monde de Paris 2017 Risako KAWAI (JPN), a répondu aux attentes en forgeant une victoire 10-4 sur la médaillée d’argent de Bishkek 2018 LUO Xiaojuan, plaçant le Japon à 5-1.

Ayana GEMPEI (JPN) lutte pour la domination pendant la finale de dimanche soir (Photo: Max Rose-Fyne)

Gempei, championne du monde des moins de 23 ans, a remporté sa victoire décisive sur Tang l’efflanquée qui dépassait d’une tête la Japonaise râblée. 

"Quelle que soit l’adversaire, quelle que soit sa constitution, je pense seulement à devoir lutter en me servant des mouvements que je maîtrise," a déclaré Gempei. "Donc je ne pense pas à ça."

Suite au désistement en finale de la championne olympique de Rio 2016  et championne du monde de Paris 2017 Sara DOSHO (JPN) pour cause de blessure à l’épaule pendant le tour préliminaire, Miwa MORIKAWA (JPN), battue 9-0, n’a pas fait le poids en 68kg face à la championne de Bishkek 2018 ZHOU Feng.

Les victoires remportées par les deux autres championnes chinoises d’Asie, Yue HAN (CHN) en 72kg et ZHOU Qian (CHN) en 76kg, n’auront servi qu’à réduire la marge de victoire du Japon.

Han, médaillée de bronze de Paris 2017, a été poussée aux limites par Masako FURUICHI (JPN) et a eu besoin de deux projections au sol en seconde période pour décrocher une victoire 10-7, alors que Zhou renversait la médaillée de bronze de Paris 2017 Hiroe SUZUKI (JPN) 7-1.
 

La Mongolie remporte le bronze pour la troisième année d’affilée 
Dans une passionnante série éliminatoire pour la troisième place, marquée par plusieurs tardives ceintures arrière, Tumentsetseg SHARKHUU (MGL) a fait sensation en permettant à la Mongolie de décrocher la victoire 6-4 face aux Etats-Unis pour une troisième médaille de bronze consécutive.

Les Etats-Unis avaient interrompu la domination de la Mongolie 4-3 grâce à deux victoires sur deux de ses meilleures lutteuses lorsque la médaillée d’argent de Bishkek 2018 Sharkhuu rencontrait Tamrya MENSAH (USA) dans un combat décisif en 68kg.

Mensah fusait en tête à 5-0 mais, en seconde période, Sharkhuu usa d’un chassé intérieur pour envoyer l’Américaine sur son dos, achevant le combat par un tombé à 1’56 de la fin.

"Dans notre équipe, on s’est toutes encouragées en nous disant, 'Tu peux le faire,'" a déclaré Sharkhuu. "Je pensais seulement à l’équipe en me disant 'Tu dois gagner.'"

Visionnant son action gagnante, Sharkuu a commenté, "Cette technique n’est pas la mienne, mais je m’y entraîne depuis un mois."

Après que Davaachimeg ERKHEMBAYAR (MGL) en 55kg et Shoovdor BAATARJAV (MGL) en 59kg l’ont emporté à la dernière seconde, les Etats-Unis sont revenus dans la compétition grâce à deux grandes victoires. 

Mallory VELTE (USA) résista pour une victoire 11-9 en 62kg sur la championne du monde de Paris 2017 Orkhon PUREVDORJ (MGL), qui n’était pas à son plus haut niveau et avait déclaré forfait pour deux combats de phase de groupe.

Forrest MOLINARI (USA) se démêla d’une bataille serrée en 65kg contre l’ancienne championne du monde Battsetseg SORONZONBOLD (MGL) grâce à un tombé en première période. 

"Orkhon était blessée, mais elle a fait au mieux," a indiqué Sharkhuu. "J’apprécie beaucoup son [effort]. Nous ne formons toutes qu’une seule équipe."

L’entraîneur de la Mongolie Byambajov BATTULGA a témoigné que son équipe s’améliore grâce au fait que de plus jeunes lutteuses commencent à s’affirmer.

"Nous obtenons un meilleur alliage quand les jeunes lutteuses prennent leurs marques," a dit Battulga. "Nous sommes plus confiants. Deux championnes ont perdu, nous étions choqués. Mais Sharkhuu a décroché une grande victoire."
 

Mélodrame pour les dernières places
Pendant ce temps, l’ambiance était dramatique au matin alors que dans les deux séries éliminatoires pour les dernières places, les équipes se trouvaient à égalité 5 partout et que décision serait rendue aux points de classement.

Le Canada résistait pour déborder la Biélorussie 24-21, la différence principale venant du fait que la Biélorussie tenait une victoire de plus par défaut ou forfait sur le Canada.

L’issue ne sera précisée qu’au cours de l’ultime combat en 76kg, quand Vasilisa MARZALIUK (BLR), qui se devait d’obtenir une victoire par tombé, ne put que l’emporter 6-4 face à Justina DI STASIO (CAN).

Sur un score de 2-2 et à moins d’une minute de la fin, Marzaliuk se démenait pour ceinturer les bras de son adversaire en vue d’une projection. La Canadienne résistait mais fut renversée alors que les lutteuses sortaient des limites, pour une action à 4 points.


"Je crois que j’essayais tellement de ne pas sortir des limites que j’ai surcompensé et trop poussé," a témoigné di Stasio. "Je ne sais pas comment j’ai été renversée."

Ajoutant à la tension, di Stasio s’est blessée pendant le combat et dû recevoir des soins médicaux. "J’ai un petit problème à la nuque en ce moment," a-t-elle dit. "J’ignore pourquoi j’ai atterri sur la tête pendant les deux derniers matchs."

Un forfait aurait donné la victoire à la Biélorussie – un détail dont la Canadienne a déclaré ne pas avoir été au courant.


"Non, je n’en avais aucune idée – ce que je préfère," a dit di Stasio, qui a ajouté n’avoir jamais songé à arrêter le combat.

Pour la Suède, se partager les matchs à égalité avec la Roumanie en série éliminatoire pour la septième place mais perdre aux points de classement 24-22 restera, en quelque sorte, une victoire morale, étant donné la morosité des résultats obtenus par la jeune équipe en phase de groupe, où elle n’a remporté que deux victoires en tout.

"Hier restera une sale journée pour toute l’équipe," a fait savoir après sa victoire sur Catalina AXENTE (ROU) par tombé en 72kg, la vétéran Jenny FRANSSON (SWE), médaillée de bronze de Rio 2016. "Proche de la fin, je sentais que tout le monde était triste. C’était dur. Mais c’est une bonne expérience."

Résultats
1re-2me Places
JAPON 6 CHINE 4

50 kg: Yuki IRIE (JPN) df. SUN Yanan (CHN) par tombé, 0:46 (10-0)
53 kg: Haruna OKUNO (JPN) df. OUYANG Junling (CHN) par tombé, 4:33 (4-0)
55 kg: Mayu MUKAIDA (JPN) df. XIE Mengyu (CHN) par ST, 10-0, 1:15
57 kg: RONG Ningning (CHN) df. Katsuki SAKAGAMI (JPN) par ST, 15-4, 3:00
59 kg: Yukako KAWAI (JPN) df. PEI Xingru (CHN), 3-1
62 kg: Risako KAWAI (JPN) df. LUO Xiaojuan (CHN), 10-4
65 kg: Ayana GEMPEI (JPN) df. TANG Chuying (CHN), 6-3
68 kg: ZHOU Feng (CHN) df. Miwa MORIKAWA (JPN), 9-0
72 kg: HAN Yue (CHN) df. Masako FURUICHI (JPN), 10-7
76 kg: ZHOU Qian (CHN) df. Hiroe MINAGAWA (JPN), 7-1

3me-4me Places
MONGOLIE 6 ETATS-UNIS 4

50 kg: Victoria ANTHONY (USA) df. Narangerel ERDENESUKH (MGL) par tombé, 3:49 (8-2)
53 kg:  Sumiya ERDENECHIMEG (MGL) df. Sarah HILDEBRANDT (USA), 10-6
55 kg: Davaachimeg ERKHEMBAYAR (MGL) df. Jacarra WINCHESTER (USA), 9-6
57 kg: Battsetseg ALTANTSETSEG (MGL) df. Allison RAGAN (USA) par ST, 10-0, 1:38
59 kg: Shoovdor BAATARJAV (MGL) df. Kayla MIRACLE (USA), 5-4
62 kg: Mallory VELTE (USA) df. Orkhon PUREVDORJ (MGL), 11-9
65 kg: Forrest MOLINARI (USA) df. Battsetseg SORONZONBOLD (MGL) par tombé, 3:22 (4-4)
68 kg: Tumentsetseg SHARKHUU (MGL) df. Tamyra MENSAH (USA) par tombé, 1:56 (4-5)
72 kg: Nasanburmaa OCHIRBAT (MGL) df. Victoria FRANCIS (USA), 11-3
76 kg: Adeline GRAY (USA) df. Chantsalnyamaa AMGALANBAATAR (MGL) par ST, 10-0, 3:59

5me-6me Places
CANADA 5 BIELORUSSIE 5

(Le Canada gagne 24-21 aux points de classement)
50 kg: Jessica MACDONALD (CAN) df. Kseniya STANKEVICH (BLR) par tombé, 3:12 (6-2)
53 kg: Diana WEICKER (CAN) df. Vanesa KALADZINSKAYA (BLR) par défaut
55 kg: Iryna KURACHKINA (BLR) df. Jade PARSONS (CAN), 10-4
57 kg: Samantha STEWART (CAN) df. Zalina SIDAKOVA (BLR), 7-0
59 kg: Katsiaryna HANCHAR YANUSHKEVICH (BLR) df. Emily SCHAEFER (CAN) par ST, 12-2,2:15
62 kg: Veranika IVANOVA (BLR) df. Jessica BROUILLETTE (CAN) par tombé, 5:34 (4-0)
65 kg: Krystsina FEDARASHKA (BLR) df. Braxton STONE (CAN) par défaut
68 kg: Olivia DI BACCO (CAN) df. Hanna SADCHANKA (BLR), 5-2
72 kg: Erica WIEBE (CAN) par forfait
76 kg: Vasilisa MARZALIUK (BLR) df. Justina DI STASIO (CAN), 6-4 

7me-8me Places
ROUMANIE 5 SUEDE 5

(La Roumanie gagne 24-22 aux points de classement)
50 kg: Alina VUC (ROU) df. Malin  LJUNGSTROEM (SWE) par tombé, 3:56 (8-0)
53 kg: Estera TAMADUIANU DOBRE (ROU) df. Linn LUNDSTROEM (SWE) par ST, 10-0, 1:37
55 kg: Simona PRICOB (ROU) df. Liliana JUAREZ ANDINO (SWE) par ST, 10-0, 2:15
57 kg:  Kateryna ZHYDACHEVSKA (ROU) df. Sara LINDBORG (SWE) par tombé, 2:23 (10-3)
59 kg: Emma JOHANSSON (SWE) par forfait
62 kg: Kriszta INCZE (ROU) df. Therese PERSSON (SWE) par défaut
65 kg: Moa NYGREN (SWE) df. Adina POPESCU (ROU) par tombé, 1:35 (6-2)
68 kg: Alexandra SANDAHL (SWE) df. Alexandra ANGHEL (ROU), 9-2
72 kg: Jenny FRANSSON (SWE) df. Catalina AXENTE (ROU) par ST, 10-0, 1:17
76 kg: Denise MAKOTA STROEM (SWE) par forfait

#JapanWrestling

L'ex médaillé olympique Ota continue sa mission d'ouvrir le tapis de lutte aux personnes atteintes du syndrome de Down (trisomie 21)

By Ikuo Higuchi

(Note de l'éditeur : Ce qui suit est une version éditée d'une série en 2 parties qui est apparue sur le site internet de la fédération japonaise de lutte le 18 janvier avec des extraits des histoires précédentes. Elle a été traduite et publiée avec la permission de l'auteur.)

"A travers la lutte, la société peut être changée. La lutte peut donner du courage aux personnes atteintes du syndrome de Down."

Au deuxième étage d'un immeuble quelconque à proximité du Tokyo Dome, au coeur de la ville, les membres du club se sont rassemblés dans une petite salle d'arts martiaux équipée d'un tapis de sol pour reprendre les activités qui, pour certains, remonte à la création du club en 2005.

Inévitablement suspendu durant la pandémie, le club de lutte Waku-waku -- spécifiquement destiné à ceux ayant le syndrome de Down -- a a repris mi-janvier au centre de Tokyo, poursuivant la mission de son fondateur de permettre aux personnes atteintes du syndrome de Down de devenir plus affûtées physiquement et émotionnellement, et de leur donner espoir en la vie.

Le club ("waku-waku" est une expression onomatopéique du sentiment d'excitation) est l'oeuvre de la vie de Takuya OTA, médaillé de bronze des Jeux olympiques d'Atlanta en 1996 en lutte libre 74kg.  "C'est devenu une partie de ma vie," a déclaré Ota âgé de 53 ans, qui, après avoir été longtemps entraîneur à l'université de Waseda, est actuellement entraîneur en chef à l'université Chuo. "Je puise mon énergie pour continuer auprès de ces enfants."

La flamme de l'intérêt d'Ota à aider les personnes atteintes du syndrome de Down s'est allumée après avoir été profondément ému par le livre "Tatta Hitotsu no Takaramono (Le seul et unique trésor)," le récit d'une mère qui a élevé un fils atteint de cette maladie publié en 2004. Le livre de Hiromi Kato a fait l'objet d'une fiction télévisée intitulée "The One and Only (le seul et unique)," qui a remporté le prix de la Télévision Asiatique pour une fiction en 2005.

Quand Ota a débuté le projet, il travaillait déjà à temps plein comme entraîneur des compétiteurs de classe mondiale à Waseda, l'équipe la plus ancienne du Japon. Il avait également lancé le club Waseda Club pour les enfants, animé par sa volonté de faire connaître les merveilles de la lutte au plus grand nombre.

Selon le site internet de la clinique Mayo, le syndrome de Down est une "maladie génétique" due à la division anormale de cellules durant la grossesse. Le matériel génétique supplémentaire qui en résulte engendre " les changements de développement et les caractéristiques physiques du syndrome de Down."

Elle touche 1 nouveau-né sur mille et sa gravité est variable. Le site internet stipule : "Une meilleure compréhension du syndrome de Down et des interventions précoces peuvent grandement accroître la qualité de vie des enfants et des adultes atteints de cette maladie et les aider à mener une vie épanouie."

Après avoir lu le livre de Kato, Ota a commencé à se dire, "Que se passerait-il si je leur faisais essayer la lutte ?" Pour ceux qui sont souvent négligés ou ignorés par la société et souffrent de préjugés non informés, la lutte ne pourrait-elle pas être un moyen de les aider à leur donner plus de valeur à leur vie ?

En juillet 2005, il a créé son premier club de lutte spécifiquement à cet effet, prenant sous son aile un groupe inaugural de six enfants.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de préoccupations initiales. les enfants atteints du syndrome de Down ne sont pas du même niveau physique que leurs camarades en bonne santé, et certains avaient une colonne vertébrale qui ne pouvaient supporter les rigueur de la lutte. Pouvaient-ils faire de la lutte ? Mais il n'y avait pas moyen de savoir avant qu'ils n'essaient et Ota voulait leur donner leur chance.

Et quand ils en ont eu l'occasion, ils ont montré qu'ils pouvaient se déplacer comme les autres. Pas vraiment au début mais à mesure qu'ils se sont habitués, ils ont gagné en force et confiance. Ils ont commencé à comprendre les règles et ont appris les techniques tandis qu'Ota mettait la priorité sur la sécurité et arrêtait toute action potentiellement dangereuse.

Ota
Comme pour n'importe quel entraînement de lutte au Japon, l'entraîneur Takuya Ota s'adresse aux lutteurs avant le début du combat. Le club de lutte Waku-Waku a repris en janvier pour la première fois depuis le début de la pandémie. (Photo: Japanese Wrestling Federation)

Faire participer de grands noms

Aucun observateur n'a peut-être été plus surpris et heureux par la réussite de ce projet que les parents. Ils pouvaient voir leurs enfants qui avaient été pour la plupart écartés des sports, faire de l'exercice, prendre du plaisir et, le plus important, renforcer leur estime de soi.

En 2017, la championne du monde en titre et future médaillée d'or olympique Yui SUSAKI était en première année à Waseda quand elle a offert de son temps au club de lutte Waku-waku.

"J'ai pris connaissance de la lutte Waku-waku par le site internet de la fédération et d'autres sources," a déclaré Susaki. "Je me suis dit qu'après être entrée à l'université, je voulais m'impliquer, alors j'ai participé aux entraînements une fois par mois en tant qu'entraîneur. Tout le monde à Waku-waku a un amour pur pour la lutte et chaque fois cela m'a stimulé aussi," a-t-elle ajouté, une lueur dans les yeux.

Yui SUSAKI (JPN)La future championne olympique Yui SUSAKI et le médaillé d'argent des JO de Pékin Kenichi YUMOTO posent avec deux fiers participants à la Waku-waku Waseda Cup 2017. (Photo: Japan Wrestling Federation)

Kenichi YUMOTO, médaillé d'argent en lutte libre 60kg aux Jeux Olympiques de Beijing 2008 est également monté à bord prêter main forte à Ota -- Ils sont tous les deux natifs de la Préfecture de Wakayama et anciens étudiants de l'université nippone des sciences du sport. Yumoto a fait sentir sa présence lors des entraînements, enseignant patiemment les techniques.

Le club a continué sans relâche jusqu'à ce que la pandémie de coronavirus frappe le monde en 2020, n'épargnant aucun sport. Le contrat d'Ota venait juste de se terminer à Waseda et il partait pour l'université de Chuo aui est située à la banlieu de Hachioji à l'ouest de Tokyo. Le club s'est donc retrouvé sans la salle de lutte de Waseda et, combiné à la pandémie a engendré un arrêt des opérations.

L'assouplissement récent des restrictions liées à la pandémie au Japon a permis au club de redémarré et Ota a eu de la chance de pouvoir utiliser la salle des arts martiaux à proximité du Tokyo Dome dans le quartier de Bunkyo.  Ce fût un moment spécial pour toutes les personnes concernées.

"Les personnes atteintes du syndrome de Down sont fondamentalement opposées aux sports de combat," a-t-il déclaré. "Mais lorsqu'ils continuent à en faire, je constate que leur esprit combatif ressort. j'entends des parents dire 'Il n'est plus timide' ou 'Il est devenu capable de faire des choses tout seul.' J'ai l'impression que les parents sentent aussi qu'en luttant, ils ont un potentiel illimité de développement personnel."

Bien qu'il n'y ait eu que cinq participants le premier jour du redémarrage du club, la salle était remplie d'une énergie positive, depuis les sourires sur leur visage lorsqu'ils pratiquaient des mouvements jusqu'à la façon dont ils levaient fièrement leur main lorsqu'on leur demandait d'être partenaire de jeu.

Parmi ceux qui sont montés sur le tapis se trouvait Aruban Kubota âgé de 24 ans, qui a été des premiers membres du club en 2005 alors qu'il était en première année d'école primaire. Kubota, dont le prénom provient du pays natal de son père, l'Albanie, est actuellement employé dans un centre d'aide sociale.

"Au début, il s'asseyait toujours sur le côté à l'entraînement", se souvient sa mère, Rimiko. "Mais avant que nous le sachions, il a commencé à se joindre au groupe et à décider des choses par lui-même. Il a commencé à agir de son propre chef."

Rimiko dit que l'attente pour que le club redémarre semblait interminable. "Je suis tellement reconnaissante envers le coach Ota", déclare-t-elle.

En juillet 2009 , Ota, désireux de donner aux membres une chance de mettre leurs nouvelles compétences à l'épreuve comme tous les lutteurs, a organisé la "1ère Coupe Waseda". D'autres clubs pour enfants trisomiques avaient vu le jour, principalement sous l'impulsion d'Ota et de ses relations de lutte, et le tournoi a attiré 29 participants de trois clubs..

Le tournoi, qui sera plus tard rebaptisé "Waku-waku Waseda Cup" et sera parrainé par une entreprise employant d'anciens lutteurs de Waseda, attire des participants allant des enfants aux adultes d'une vingtaine d'années. Le niveau continue de s'améliorer et, contrairement aux premières années où il était difficile pour les participants de contrôler leurs émotions, les matchs ne sont plus interrompus et peuvent se dérouler sans heurts.

"Au début, notre objectif principal était simplement de les amener à pouvoir aller sur le tapis par eux-mêmes", a déclaré Ota dans une interview après le tournoi 2016. "Maintenant, ils comprennent les règles et peuvent avoir ce que nous considérons comme un match régulier."

Tous les participants reçoivent une médaille, mais le point culminant de la cérémonie de remise des prix est la sélection du MVP et du Fighting Spirit Award qui sont accompagnés d'un trophée. Alors qu'Ota tient le micro avant de faire l'annonce, les gagnants (qui sont éligibles pour le MVP) le regardent comme s'ils étaient en prière tandis que toute la salle prend une atmosphère de sourires

Ota2Un membre du club fait un exercice de double-leg takedown sous le regard des autres. (Photo: Japanese Wrestling Federation)


Viser les Jeux olympiques spéciaux

Comme en témoigne l'enthousiasme suscité par les Jeux paralympiques de Tokyo en 2021, le sport n'est pas l'apanage des personnes valides. Les personnes atteintes du syndrome de Down ou d'autres déficiences intellectuelles font également des progrès dans la pratique du sport.

En octobre 2020, une compétition d'athlétisme réservée aux personnes atteintes du syndrome de Down s'est tenue à Miyazaki, dans le sud du Japon, et plus tôt cette année, une division pour les participants atteints du syndrome de Down a été mise en place pour la première fois lors d'une rencontre de natation à Chiba, à l'est de Tokyo.

À l'échelle internationale, Virtus, une organisation créée pour le développement du sport d'élite dans le monde entier pour les athlètes souffrant de déficiences intellectuelles, avait inscrit le judo au programme des 1ers Jeux Océanie/Asie qui se sont tenus en novembre de l'année dernière en Australie. Des athlètes japonais y ont participé, élargissant ainsi le champ des possibilités pour les personnes atteintes du syndrome de Down.

Ota regarde également au-delà des côtes japonaises. Le prochain objectif d'Ota est de faire entrer la lutte dans les Jeux olympiques spéciaux, qui ont une histoire de plus de 50 ans et diffèrent des Jeux paralympiques en ce qu'ils s'adressent spécifiquement aux personnes souffrant de déficiences intellectuelles. Actuellement, il y a plus de 20 sports dans les Jeux olympiques spéciaux, dont le judo.

Ota s'est rendu au siège de Washington, D.C., où on lui a dit que pour que la lutte soit incluse, il était nécessaire que le sport se développe au Japon et que davantage de pays dans le monde lancent des programmes. La lutte étant encore en pleine évolution et peu connue au Japon, il s'agit d'un obstacle de taille à franchir.

Mais il ne se laisse pas décourager. "Même si vous avez un handicap, tant qu'il existe un sport offrant une scène pour briller, on peut avoir une grande présence dans la société", a déclaré Ota.